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Neige Rouge : 1 Prélude

Mars 1985, quelque part dans le Far North, Alaska.

Le vent soufflait avec une telle force que Shaad eut peur que les vitres n'explosent. C'était la première fois qu'il devait dormir ici, il avait été déposé par un hélicoptère dans la journée d'avant, sans qu'on lui précise la raison de son déplacement de son ancien centre d'éducation. Shaad regarda autour de lui. Ce baraquement ressemblait à un dortoir commun dans un hôpital ancien. Des lits à l'armature tubulaire s'alignaient dans une pièce immense. Dans chaque lit, un enfant d'à peu près son âge. Shaad avait déjà vu cela régulièrement, il avait voyagé à travers tous les Etats-Unis, de centre d'accueil en centre d'hébergement depuis sa naissance. Ce qui le gênait un peu plus c'était l'ambiance de cet endroit. Les murs respiraient la peur et un malaise assez déplaisant alourdissait l'atmosphère. Jamais il n'aurait pensé se retrouver aussi loin de son New York natal, mais il y avait eu cet homme, William A. Snow - qu'il aurait plus facilement comparé à une momie qu'à un bonhomme de neige - qui s'était intéressé à lui. Il avait compris que cet homme était un professeur, mais il ne savait pas quelle matière il enseignait.
Les autres médecins, ceux qui s'occupaient généralement des orphelins, des personnes aux manières ridicules, traitaient les enfants comme si la perte de leurs parents les avaient rendus stupides. Généralement, ils étaient attentionnés et finalement pas si désagréables que cela. Ce n'était pas le cas du Dr. Snow. Il avait des manières aussi sèches que son apparence et il était clair que le bien-être de ses patients n'était pas sa première et fondamentale préoccupation. Ses assistants avaient pratiqué tout un tas d'examens complexes avant que le Docteur ne lui fasse plusieurs injections. Il avait vu le directeur du centre d'hébergement parler assez fort avec le Docteur pour finir par baisser les yeux et signer son arrêté de déplacement. Il y avait aussi cet hélicoptère de transport de troupe, un gros modèle, plus gros même que ceux que Shaad avait imaginés, qui était venu le chercher, lui et cinq autres jeunes gens.
Aujourd'hui, à la lumière des globes en verre fumé indiquant "Sortie de Secours", Shaad supposait que les injections n'étaient pas de simples vaccins.

Il se retourna dans son lit. C'était un garçon d'une dizaine d'années, à la peau noire et aux yeux sombres et profonds. Il tenta de faire le point sur ce qui venait de lui arriver. Il avait été emmené comme un grand délinquant dans un endroit éloigné de tout, d'où il ne pourrait certainement pas s'échapper même s'il en avait l'intention, après une semaine de tests et de traitements médicaux administrés par un savant fou et une équipe d'assistants patibulaires. Il se retrouvait dans un lit d'armée, au milieu d'au moins quarante gamins dans son genre, et aucun d'eux ne manquerait à personne. Finalement, la situation, vue sous cet angle, lui faisait clairement peur. Quelque chose le sortit finalement de ses sombres pensées. Aux mouvements qu'il pouvait discerner dans les lits près de lui, il n'était pas le seul à être réveillé. L'horloge sur le mur d'en face affichait minuit vingt. Bizarrement, ce qui les avait éveillé, c'était le silence. Généralement, le sursaut survient lorsqu'un bruit vient déranger le sommeil. Mais, Shaad comprit ce qui venait de le choquer en se prenant à compter. Il comptait les secondes qui séparaient les passages du garde de nuit, par instinct. C'était le seul moyen de se faire la belle dans les orphelinats qu'il avait fréquentés avant, ou tout au moins un moyen pour aller se servir dans le frigo sans se faire prendre.
Le garde n'était simplement pas repassé. La radio qui provenait de la salle proche s'était tue. Il n'y avait plus que le tic-tac de l'horloge qui annonçait maintenant deux minutes de plus.

Il finit par se décider à se lever. Il vit plusieurs visages, garçons ou filles, se tourner vers lui avec une certaine appréhension, mais aussi une certaine reconnaissance. Il frissonna, non pas du regard des autres, mais du froid que rencontrèrent ses pieds sur le pavé du dortoir. Il avança doucement dans le couloir, laissant derrière lui les bruits presque rassurants de ses camarades et il s'approcha de la seule porte entrouverte du secteur. Lorsqu'il aventura un oeil dans l'embrasure avec une certaine appréhension, il découvrit une pièce vide. Il y avait certainement peu de temps qu'il n'y avait plus personne. Les trois tasses de café fumaient encore d'un liquide trop chaud pour être consommé. Il y avait, plus intriguant, un râtelier d'armes sur le mur ouest presque en face de lui, de l'autre coté de la table : fusil à pompe et armes d'assaut. Il se demanda instantanément ce que craignaient tant les gardes.

« Moi ! », répondit une voix dans son dos.

Nehwon

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