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 Autrement...

Autrement... : Partie 18 - Refuge, Deuil et Ennemi

Jordan était installé dans son bureau. L'esprit au calme, mais actif. Il scrutait le plan de l'université devant lui, laissant le dilemme faire jour dans son esprit. On frappa à la porte.

« Entre, Vincent. », dit-il, rompant le silence.

L'archimage entra, l'air sombre.

« J'ai contacté les universités de Montréal et de Tokyo. Je n'ai pour l'instant pas pu joindre les autres. Il va falloir que je me déplace. Les proviseurs Kihime et Devalmont sont au courant de nos problèmes et rapportent des problèmes semblables dans ces deux pays. Ce n'est pas Mercurey qui a manigancé une agression de cette ampleur, même s'il le croyait certainement. »

Jordan leva le regard.

« Alors c'est bien vrai, c'est la guerre. »

« C'est bien pire que cela, Jordan, c'est le chaos. »

Il posa la main sur le plan, ferma les yeux et murmura « il n'est pas encore au point. »

« Qu'y a-t-il, Jordan ? »

« Tu te souviens de cette idée étrange que j'ai eu au moment de la construction de l'université ? »

« Très vaguement, où veux-tu en venir ? »

Jordan indiqua le plan.

« Regarde d'un peu plus près. »

« C'est le plan de l'université. », Vincent fit une pause, il venait de remarquer une chose importante, « Tu l'as réalisé sans nous en faire part ? »

« Le Mandala était là depuis le début. Tu te souviens des discussions que nous avons eues sur le positionnement des bâtiments, n'est-ce pas ? »

Vincent ne put que hocher la tête.

« Et à quoi va-t-il servir ? »

« A construire un îlot de réalité. »

Vincent fit un pas en arrière.

« Tu es malade. Tu sais parfaitement que cette théorie est complètement fallacieuse. Ca ne fonctionnera jamais. »

« Tu te trompes, Vincent, j'ai déjà réussi à réaliser des îlots. »

Vincent resta bouche bée.

« Tu as quoi ? »

« J'ai déjà réussi à construire des îlots de réalité entre les couches de l'univers. »

Vincent tenta de se rappeler ce qu'était le théorie du Mandala. Une scientifique du début de l'Eveil, dont le nom lui échappait, avait développé une théorie fumeuse sur la création de l'univers, autour d'un « code génétique » qui permettrait de dupliquer les couches du monde suivant des règles précises qui définiraient les potentiels de chaque énergie.
La théorie avait des intérêts, mais les hypothèses avancées étaient aussi peu étayées que crédibles.

« Le professeur Divenson avait tout faux concernant les origines. Il n'y a qu'un seul type d'énergie primaire comme l'indique la théorie de l'énergie noire, par contre, elle avait raison sur le fait qu'il existe une matrice de l'univers qui peut être utilisée pour faciliter la création d'un demi-monde entre les couches de réalité.
Il ne peut exister sans une connexion avec un monde réel, parce qu'il est encore impossible de comprendre le phénomène qui transforme l'énergie noire en énergie polarisée, comme le Mana ou la lumière, mais s'il est alimenté, le demi-monde est stable.
Le souci, c'est que pour l'instant, je n'ai réussi qu'à obtenir une surface de quelques centaines de mètres carrés, mais j'y travaillais seul. »

« Et que faut-il faire à ton avis ? »

« Je pensais utiliser cette technique pour mettre l'université à l'abri au plus vite. Mais, je serai totalement incapable de rediriger l'énergie de la fontaine vers le Mandala seul. Après ce que j'ai fait tout à l'heure, la plus part de mes chakras sont surchargés. Si je recommence un acte de haute magie maintenant, je vais ressembler à un fusible avant la fin. »

« Tu veux dire qu'il nous faut apprendre la théorie et la technique dans les quelques heures qui viennent avant que l'émeute ne soit totale pour transporter l'université dans une zone d'univers que nous aurons créée... »

« C'est cela... Tu sais comme moi que les esprits gardiens seront totalement incapables de tenir plus de quelques jours contre des agressions comme celles qui ont eu lieu aujourd'hui. Et tu imagines aussi bien que moi ce qui se passera si les défenses magiques de l'université tombent. »

Vincent regarda Jordan. Il avait raison.

*
**

Linne était installée auprès de la fontaine de Mana de l'université. Elle prenait un peu de repos après s'être occupée de tant de personnes qu'elle n'arrivait pas à se souvenir de leurs noms. C'était maintenant qu'elle ressentait le contrecoup de toutes ces souffrances.
Elle se massa doucement la nuque et tenta de reprendre ses esprits. Le visage de l'enfant qu'elle avait laissé mourir était gravé dans son esprit et revenait maintenant avec plus de clarté. Elle se sentait terriblement coupable de n'avoir rien pu faire pour lui.

« Il ne t'en veut pas, tu sais. »

La voix de Nicolas la fit sursauter. Elle tourna les yeux vers lui et se prépara à lui répondre qu'il ne pouvait pas le savoir, puis elle vit son visage pâle, un peu triste et bizarrement éthéré. Il s'approcha d'elle, et s'assit sur le banc de pierre où elle était installée. Il posa sa main sur celle de Linne. Elle comprit qu'il cherchait à l'aider. Elle lui fut reconnaissante.

« Tu penses que je ne peux pas savoir ce que cet enfant ressent actuellement. C'est vrai, c'est lui qui me le dit. »

Elle se retourna un peu interloquée par les propos de Nicolas.

« Il est toujours près de toi, il n'a pas encore bien compris qu'il était mort. Mais il sait que tu as tenté de l'aider. »

« Il est toujours là ? »

Nicolas regarda autour de lui. Il fixa un point vide de l'environnement.

« Oui, il a eu très peur et a suivi ton aura de Mana. »

« Tu peux lui expliquer ce qui s'est passé? »

Nicolas la regarda.

« Je crois que c'est à toi de le faire. »

Il posa sa main sur les paupières de Linne et d'un coup l'univers devint noir et blanc pour elle. L'enfant était là, près d'elle, aussi pâle que quand elle l'avait vu pour la dernière fois.

« La vision s'estompera dans une dizaine de minutes. Il t'entend, mais il ne pourra pas parler, à moins que tu ne saches lire sur les lèvres. »

Nicolas se leva et s'éloigna, laissant Linne faire le deuil de son premier échec.

*
**

Harrison arriva devant la porte du bureau du Maître. Il prit une grande inspiration pour se donner du courage. Il n'avait pas de raison de craindre la colère du maître, les nouvelles qu'il apportait étaient bonnes.
Il frappa. Comme à l'accoutumé, personne ne répondit mais les portes s'ouvrirent seules. Il passa le seuil et fit trois pas. La porte se referma derrière lui. Dans la pièce, plongée dans les ténèbres, il n'y avait qu'une respiration rauque en plus de la sienne. Personne n'avait jamais vu le maître en pleine lumière. Il ne le souhaitait pas.

« Ton rapport, Harrison. », dit la voix granuleuse.

« Les émeutes se sont déclenchées comme prévu dans 92% des pays. Les autres suivront rapidement grâce à l'effet d'entraînement. J'ai juste à rapporter la mort de Mercurey, en France. Il a été abattu par l'archimage Jordan, lors du déclenchement du Plan dans ce pays. Je ne pense pas qu'il ait compris quoi que ce soit, et il n'a rien empêché. »

« Très bien, Harrison, mais il est toujours vivant. Il me semblait t'avoir demandé de l'éliminer ainsi que ses protégés. »

La peur monta violemment dans les veines d'Harrison.

« Oui, Maître, il a échappé à l'attentat, mais ce n'est qu'une question de temps. »

« Serai-tu stupide ? Il se protège maintenant. Aucun de nos assassins ne parviendra jusqu'à lui c'est trop tard. »

Quelque chose de terriblement gros bougea dans la pièce.

« Tu as de la chance de m'amener de bonnes nouvelles par ailleurs. Fais surveiller les abords de l'université de France, je ne veux pas de nouvelles surprises. »

Harrison fit demi-tour et comme la porte se refermait derrière lui, il poussa un soupir de soulagement.

Dans la chambre, le Maître bougea, ce qui fit crisser le marbre sous son corps.

« Tu as entendu, Malakar ? »

« Oui, votre seigneurie, je ne peux que vous féliciter pour votre réussite. »

Malakar savait parfaitement ce qu'il faisait là. Il allait affronter la mission la plus difficile de sa vie.

« Tu connais la raison de ta présence ici ? »

« Je me suis permis de devancer vos désirs, votre seigneurie, j'ai déjà une solution pour atteindre la cible. »

« Très bien, fais vite. »

« Je réussirai, ou succomberai en essayant. »

Lorsque Malakar eut disparu, le Maître souffla un peu de fumée acre.

« Tu succomberas donc... mais je ne peux faire autrement que de tenter de contrecarrer le destin. »

Nehwon

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