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 Autrement...

Autrement... : Partie 16 - Blasphème

Nicolas sentait l'adrénaline monter, presque douloureuse dans ses veines. Il imaginait déjà les armes et les combattants qui se trouvaient en face de lui dans cette petite ferme au milieu de nulle part. Il avait à côté de lui l'un des êtres les plus puissants de cette terre, mais il avait peur. Lors que Jordan posa les yeux sur lui, il comprit qu'il avait raison d'avoir peur, et que son maître, son ami, son mentor avait lui aussi peur pour lui.

« Tu es prêt ? », demanda Jordan.

Nicolas ne put que trembler en guise de réponse.

Ils avancèrent.

L'environnement sombre de la nuit, il le savait, ne les protégerait pas le moins du monde des snipers. Mais il savait aussi qu'il n'avait jamais eu d'amis avant Thomas et Julian, et qu'il n'en trouverait certainement pas dans les prochaines années.

Dans sa tête, des cris roulaient déjà comme des vagues d'une mer en colère. Il savait qu'il y avait des gens comme lui et comme Jordan qui souffraient. La Saint Barthélemy du nouveau millénaire l'appellerait les média. Cette nuit serait la plus atroce de tous les temps.

Nicolas finit par regarder devant lui, cette petite ferme où il avait réellement ri aux éclats pour la première fois. Ils allaient la libérer.

« Ecoute moi bien, Nicolas, je t'ai autorisé à venir parce que dans le futur, il va falloir être fort, ne pas avoir peur de la mort. Mais je ne veux pas que tu joues les héros. On ne joue pas. »

Nicolas le regarda et posa deux doigts sur sa tempe.

« Je sais, Jordan, ils sont là et ils hurlent. Ce n'est pas un jeu. »

Jordan le regarda avec étonnement.

Il fit face à la maison et prit une grande inspiration. Nicolas fit de même, ils se retrouvèrent dans la cour intérieure. Ca aurait dû être un endroit tranquille, simple, avec un petit bassin recouvert de nénuphars où glissaient lascivement deux énormes poissons rouge et blanc. Mais il y avait aussi deux hommes en noir, qui montaient la garde, arme d'assaut au poing. Ils se retournèrent comme au ralenti. Jordan leva la main. Les armes s'enflammèrent comme si elles avaient été faites d'essence. Le premier hurla sans pouvoir se débarrasser de l'arme incendiaire qui le fit s'enflammer comme une torche.
Le second eut le réflexe d'éloigner l'arme au plus vite de lui, il dégaina un couteau. Nicolas eut le temps de voir le visage de Jordan changer. Jamais il n'avait vu les yeux brûlant du feu-mana, sur personne, et maintenant Jordan semblait être un monstre qui souriait du mal qu'il allait faire. La main de l'homme sembla s'écraser sur elle-même comme compresser dans un étau. Il ne put que hurler alors que le couteau, lui aussi broyé comme une cannette de soda, se refermait sur les muscles, les tendons et les os déjà brisés par la pression.
Jordan le frappa au visage suffisamment fort pour l'envoyer au sol du premier coup. Il regarda l'homme.

« Je te rassure, ça se reconstruit très bien maintenant. »

Il parlait à l'homme au sol, inconscient. Nicolas se demanda si le feu-mana n'avait pas aussi brûlé sa conscience. Mais il comprit qu'au contraire son maître avait réussi à contenir la puissante flamme bestiale et en avait simplement fait sa compagne.

L'esprit de l'enfant fut touché par quelque chose. Jordan lui tournait le dos. Il regardait s'il pouvait faire quelque chose pour le premier. Nicolas jeta un oeil sur les bâtiments autour de lui, son sang se glaça bien trop vite à son goût. Il y avait quelque chose dans son esprit, qu'il n'arrivait pas à faire venir plus prêt, plus en avant dans sa conscience. C'était une des ses prémonitions, il en avait maintenant, de plus en plus souvent. Il réussit à avoir des flashs en se forçant un peu plus, un canon d'arme, une balle et un corps.

Il se retourna.

« Jordan, on est en... »

Il entendit le chien se mettre en position. Puis, il y eut le clic de la gâchette. Inconsciemment, il se jeta en avant.

Un premier « Non » retenti... Un « Non » de petit garçon qui ne voulait pas revenir en arrière dans sa vie, alors que le soleil l'éclairait enfin.

Il y eut ensuite un coup de tonnerre. Le chien d'une arme qui s'appliquait contre le culot d'une balle et l'explosion de la poudre propulsant un projectile mortel. Déjà autour de Nicolas, les hommes en noir se pressaient pour venir aider leurs compagnons qui avaient crié mais ce n'était pas important.

La balle ne lui fit pas mal, mais elle traversa son corps enfantin de part en part, détruisant la chair, brisant les os, et finalement arrachant son coeur. Lorsque son corps frappa le sol, il était déjà parti.

Elle ricocha près de la tête de Jordan qui se figea.

Ce fut le moment que choisirent Stéphane et Vincent pour apparaître. Il y avait dans leurs yeux qui ne possédaient pas le feu-mana, une détermination aussi grande que celle de Jordan.

Ce qu'ils virent les laissa gelés.

Le corps glissé dans les bras de Jordan était terriblement mutilé, du sang coulait des yeux et des oreilles de l'enfant. Un de ses doigts était retourné mais ce qui les choqua le plus c'était les dégâts terribles qu'avait subi son torse.

Toujours comme au ralenti, si lentement que l'on aurait cru la destinée en marche. Ils virent le visage sanglant de Jordan, couvert du sang de l'enfant, se tourner vers eux, après que ses lèvres aient effleuré le front du petit cadavre.

Dans ses yeux maintenant jaunes et rouges, brûlant si puissamment de tristesse, ils lurent une inconcevable conviction. Une chose que personne ne devait même penser, un blasphème si profond et si terrible qu'ils crièrent ensemble.

« Non... »

Un « Non » de plus...

Stéphane ajouta :

« Tu ne dois pas faire cela, tu n'en as pas le droit... »

Il répondit :

« Je préfère être damné que de vivre sans lui. Mon fils. »

Une lumière si violente et assourdissante de mots impurs les écrasa alors, si inconcevable qu'ils ne purent que prier que l'on pardonne à Jordan l'impardonnable.

Nehwon

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