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Blackclaws : Blackclaws - 1

Comptant plus de mille âmes, le village de Brésolth était situé sur une petite route de commerce mais le fait d'être entouré par une vaste forêt ne les avantageait pas vraiment, surtout depuis que la guilde des voleurs avait décidé d'installer un poste non loin de la ville dans la forêt.
A l'entrée nord du village vivaient Keld et Maurina Shangarn. Keld était le fils de Sharm Cisro, un forgeron fort réputé dans les royaumes pour sa facilité à manier le marteau et l'enclume. Voulant fuir les meurtriers de son père, il vint s'installer à Brésolth et changea de nom.
Quelques années plus tard, il ouvrit une forge et commença à exercer sans jamais montrer qu'il était le digne héritier de son père. Ainsi, lorsqu'une arme lui semblait trop parfaite, il bâclait son travail juste assez pour faire illusion. Les armes qu'il forgeait étaient de bonne facture, mais sans plus.
Un jour qu'il chassait près de chez lui dans la forêt, il trouva une aventurière blessée au ventre par un grizzly. Il la ramena chez lui et, après que le prêtre eut fini de refermer la blessure, il s'occupa d'elle. Il s'en occupa si bien qu'un an plus tard, ils convolaient en justes noces. Maurina ne pouvant plus courir la campagne du fait de ses anciennes blessures, elle n'avait plus rien qui pouvait la pousser à partir.
Elle posa donc ses bottes et ses armes et prit le nom de son bien-aimé. Malheureusement, l'ancienne vie de Maurina revint vite au galop, sous les traits d'un prêtre de Déneir lui annonçant que la blessure qui avait précédé son arrivée au village et la rencontre avec son forgeron de mari lui avait coûté très cher : elle ne pourrait jamais avoir d'enfant.
Les deux amants accusèrent le coup et se firent une raison, les Dieux l'avaient décidé ainsi, il n'y avait donc rien a dire.
Cinq années passèrent. Keld forgeait alors que Maurina, à défaut de pouvoir en avoir un, s'occupait des enfants des autres. Durant ces quelques saisons, ils firent aussi la connaissance d'un mage qui avait élu domicile non loin du village : Lyokham. Sans s'en rendre compte, les deux hommes se lièrent d'amitié. Le mage ne mit pas longtemps à deviner qui était réellement le forgeron. Il lui en parla et promit de garder le secret .
Le temps passa, emportant certains regrets, en apportant d'autres, filant comme le débit incessant d'une rivière.

Un soir d'automne, alors que Keld et Maurina étaient assis devant l'âtre de la cheminée à se réchauffer les pieds, quelqu'un frappa à la porte.
L'heure était assez tardive et la lune levée depuis bien longtemps.
Keld se leva et se dirigea vers la porte, ayant, au préalable, pris l'épée que son père lui avait forgée quelques jours avant sa mort.
- Qui va là ? entonna Keld d'une voix forte et cassée
- C'est moi Keld, Lyokham, fit une voix derrière la porte
- Qu'est ce qui me le prouve ?
- Ouvre moi espèce de forgeron à la manque, répondit la voix. Je n'ai pas de temps à perdre.
Un sourire aux lèvres, Keld reconnut la voix et ouvrit à son ami. Un homme de haute taille revêtu d'une grande cape noire entra d'un pas rapide.
- Bonsoir , fit-il, je suis désolé de venir à une heure aussi tardive, mais je voulais pas qu'on me voit entrer chez vous à une telle heure, surtout avec ce qui va suivre.
- Que se passe-t-il Lyo ? demanda Maurina
- J'aurais besoin que vous me rendiez un service, un grand, dit-il d'une voix grave.
Depuis le moment où il était entré dans la chaumière, il avait gardé son capuchon et les bras sous sa cape. Il entrouvrit les pans de celle ci et avança ses mains.
Maurina eut un hoquet de surprise en voyant ce que tenait le mage.
Un bébé.
Un bébé qui n'avait pas plus de quatre mois
- Il est magnifique, souffla la femme du forgeron en le prenant dans ses bras
Keld regarda le mage. Celui ci n'avait pas quitté Maurina des yeux. Quand il sentit le regard du forgeron, il toussota et continua.
- Je l'ai trouvé devant la porte de ma demeure tel que tu le vois en ce moment.
- Qui pourrait avoir la force d'abandonner un si bel enfant, fit elle en jouant avec la main du bébé.
- Je souhaiterais qu'il soit votre enfant, que vous soyez ses parents.
Maurina releva d'un coup la tête
- Oui, tu as bien c.....huuufff
Il n'avait pas eu le temps de finir sa phrase que l'ancienne aventurière avait donné l'enfant à son mari et enlacé Lyokham. Elle le serra si fort que Keld dut lui rappeler de lâcher prise.
Le forgeron fit signe au mage de le suivre dehors.
- Occupe toi de lui, on revient, fit Keld, mais sa femme ne l'entendait plus, elle était plongée dans la contemplation de l'enfant.
Ils sortirent par la porte de derrière. Ils avancèrent dans la lumière de l'astre de la nuit et après avoir fait quelques mètres, s'assirent sur un arbre abattu deux jour plus tôt, face à la forêt.
- Ma femme est trop heureuse pour être lucide, fit le fils de Cisro, d'où vient cet enfant ?
- Il est apparu dans le cercle de runes, dans le sanctuaire de Mystra, répondit le mage.
- Comme ça ? Tu faisais la poussière, quand tout à coup, le gamin est apparu ?
- Oui, acquiesça Lyokham. Je ne suis même pas au courant du fond de l'histoire. Tout ce que l'on m'a dit, c'est de le donner à des personnes dignes de confiance, qui sauraient être de bons parents.
- Mouais... Qu'a-t-il de spécial cet enfant ?
- Désolé, je ne peux rien te dire, et puis j'en sais pas assez pour être formel.
- Lyokham ! insista Keld
- Son destin est lié à la survie des Royaumes.
- Rien que ça !
- Ecoute ! fit le mage . Je t'offre la possibilité d'avoir ce que tu désires le plus au monde. Oublie cette conversation et découvre toi en tant que père d'un enfant. C'est là un conseil d'ami.
- Tu as peut-être raison..., dit-il en se massant les tempes.
Lyokham plongea ses mains dans sa robe et en sortit un objet recouvert de tissu.
- Quand je l'ai recueilli, il y avait ceci de posé à coté de lui. Je ne l'ai pas ouvert, il y a marqué «Père» dessus. Ca te revient donc de droit.
Il tendit le paquet que Keld saisit avec appréhension. Il le soupesa, ouvrit le premier pan de tissu et trouva un morceau de parchemin. Il l'ouvrit et vit que c'était une sorte de plan. Soudain, tout s'effaça et la mention «douze ans» apparue.
Il referma le paquet immédiatement et le posa sur le sol.
- Il faut que je m'en aille maintenant. fit Lyokham
- Mais, je...
- Ne t'inquiète donc pas, je ne serai jamais bien loin. Si un jour tu as quelque chose qui te tracasse, viens me voir. Alors, je te répondrai. Aujourd'hui, il n'y a plus de place pour les questions. Va voir ta femme et ton fils et dors. Cet enfant a des gardiens que tu ne soupçonnes même pas.
Lyokham se leva brusquement et releva sa capuche. Keld semblait perdu, hésitant.
- Va mon ami, va, dit le mage avant de s'en retourner dans la forêt.
Keld resta là en encore quelques minutes puis, revenant à lui comme s'il sortait d'un rêve, poussa la porte et entra dans la chaumière.
Alors que la porte se fermait, des ombres se mirent à bouger là où les deux amis se trouvaient quelques minutes plus tôt. Quatre loups apparurent dans la lumière de la lune et s'assirent. On entendit alors le bébé se réveiller en pleurant. Les quatre canidés scrutèrent la porte mais ne bougèrent pas d'un iota. Au loin dans la forêt, un loup chantait.

Drizzt

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