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La Vallée de l'Ombre : Chapitre 8 - La Révélation Finale

Althiof lâcha son arme, il regarda bien. Malgré l'obscurité il vit bien Torhak, nu, couché et mort.

« Torhak, mon ami... Ce n'est pas possible, non, je ne peux pas croire ça, non. Non ! »
Il voulut descendre.

« Inutile, il est mort, laisse-le. » dit une voix tapie dans l'ombre.

« Hein ? Mais qui est-ce ? »

« C'est moi... Enfin, c'est nous... »

Cinq personnes sortirent de l'obscurité, c'était Kanhögart, Jun, Harald, Volsung et un homme inconnu, habillé d'une longue tunique et c'était lui qui parlait.

« Ah... Notre Cher Viking... Mais qu'as-tu fait... »

« Comment ? Mais... Qu'est-ce que cela signifie... » et il ramassa son marteau.

« Toujours prêt à te battre, pourtant tu ne peux plus rien faire. Regarde dans quel état tu es. »

« Je n'y comprends rien mais qui êtes-vous ? Pourquoi ce monstre s'est-il transformé en Torhak ! »

Jun lui lança inopinément un couteau dans la jambe. Il s'écroula mais était toujours en vie.

« Mais... Pourquoi ? Je croyais que... Et qui es-tu... »

« C'est très simple et puisque tu vas crever, mieux vaut tout te raconter avant ta mort... »
Et l'homme prit la parole.

« Tout d'abord, je voudrais te féliciter pour ta bravoure et ton agilité au combat, tu es vraiment doué avec ton marteau. Et voilà mon histoire. Je m'appelle Ragnar... Le grand seigneur... Avant cela, j'étais Ex-Mortius, le destructeur du monde et survivant d'une ancienne civilisation, les Archontes.

Nous étions sur une grande île faisant l'Asie mineure et la Libye réunies, appelée Aegirnidus vu que nous vénérions le tout puissant Aegir, maître des eaux. Cette île se trouvait dans l'océan, près de ce qu'on appelle le Nouveau Monde, sur une région perturbée. Elle était très fertile mais instable, il s'y produisait sans cesse des tremblements de terre. Nous n'y prêtions toutefois pas d'inquiétude car les secousses étaient peu désastreuses et, surtout, nous avions une civilisation très avancée et de grands monuments. Nous ne voulions naturellement pas les perdre en quittant l'île. Mais un jour, peut-être était-ce là la fureur de notre dieu, un immense raz de marée vint tout détruire. En une seule nuit, tout ce que nous avions érigé en sept millénaires disparut.

Une poignée d'Archontes se réfugia sur cette île-ci, et le reste sur un autre continent, le Nouveau Monde. En étant dans le premier groupe, mes ancêtres avaient recommencé à développer une culture avancée. Sans nouvelle de l'autre minorité, ils s'installèrent ici pour de bon.

En moins d'un siècle, ils avaient réussi à créer une nouvelle société sans trop de conflits. Pendant plus de trois mille ans, ils vécurent en parfaite harmonie avec la nature et continuèrent inlassablement à raffiner notre grande civilisation. Car le désir de posséder d'autres terres, curieusement, à cette époque, ne les intéressait pas : ils étaient très bien sur cette île.

Pourtant, les temps devenant rudes, ils éprouvèrent de plus en plus de peine à cultiver le sol. Les hivers devenaient plus longs. Ils n'avaient plus assez de ressources, donc certains partirent s'installer sur votre continent. Mais mes ancêtres qui étaient restés ici avec d'autres Archontes entamèrent une phase de transformation : puisqu'ils n'avaient plus assez de nourriture, ils commencèrent à se dévorer entre eux, le sang. En s'alliant en familles, ils firent de cette île une terre de massacres.
Pour cette raison, ils sont devenus peu à peu cannibales, des hommes mangeurs d'hommes, des monstres. Mes ancêtres sortirent vainqueurs de ce massacre. Ensuite, ils décidèrent de partir pour la domination d'une nouvelle terre plus riche. Mais malheureusement ils étaient bloqués car presque tout l'océan était gelé. C'est à ce moment que je vins au monde avec une seule ambition : m'emparer d'une autre région du monde plus accueillante. Jusqu'à ce que j'aie grandi, nous nous nourrissions de petits gibiers dont nous raffolions du sang. Au fur et à mesure que je grandissais, l'état de l'océan devenait plus favorable. Mes parents comptaient sur moi, alors, je partis d'ici, à bord d'un knörr, le visage caché sous un manteau noir, allant à la recherche d'un nouveau pays.
Je vis en accostant au Nouveau Monde qu'un peuple m'attendait et me considérait comme leur dieu car j'avais la peau plus blanche qu'eux.
L'autre partie des Archontes, qui avait survécu au raz de marée, était déjà passée par là. Voyant que ce peuple d'hommes de couleur foncée était moins évolué, ils leur avaient laissé croire qu'ils étaient des dieux. Pourtant les rescapés du cataclysme partirent du Nouveau Monde pour aller découvrir d'autres terres en promettant de revenir, ils ne revinrent toutefois jamais. Je pense qu'ils me prenaient pour le dernier des dieux, celui qui dit qu'il reviendra et j'estime que c'est pour cela qu'ils me considéraient supérieur. Mais je ne voulais pas y fonder une cité car la chaleur tropicale qui y régnait ne me plaisait pas. Je voulais conquérir une terre sur votre continent. Ils acceptèrent de m'aider pour cela et firent preuve de beaucoup de courage et de savoir-faire. C'est pour cette raison que les autres seigneurs les prirent pour des démons, c'était à cause de leur accoutrement.

En revenant ici, je vis de mes yeux un terrible cauchemar : le temps avait soudainement passé au glacial et ma famille n'avait pas survécu à cette épreuve, elle mourut gelée. Je fus rempli de rage, ma décision était prise, détruire toutes les autres civilisations et devenir le maître absolu.

Je me suis installé ensuite sur la Côte ouest du Northland, dont je fis trembler tous les seigneurs sans pour autant remporter la victoire et la défaite fut inévitable.
Après cela, je suis retourné sur mon île, enfin ici, comme les autres te l'ont dit.

Depuis cette humiliation, j'avais pris la décision de mourir, de mourir dans ce froid atroce, dans cette solitude...
Mes guerriers du Nouveau Monde étaient retournés dans leur pays natal, donc j'avais décidé de vivre sans aucun but jusqu'à mon dernier souffle, mais la mort, elle, ne voulait pas de moi, je devenais en quelque sorte immortel à la vieillesse. En principe, j'aurais dû me réjouir, puisque c'était là le rêve de tous les hommes. En même temps, je devenais autre chose qu'un humain... un véritable démon qui était immunisé contre la mort. Mais à quoi bon puisque je n'avais aucune ambition. Si je ne faisais rien, j'allais continuer à vivre inutilement, dans la mélancolie.
Pourtant je découvris un livre dans des ruines non loin d'ici... Un grimoire, puis j'en trouvai d'autres au fur et à mesure de mes recherches. Je ne savais pas lire l'écriture qui y était inscrite, alors je fis appel à Vortirak-le-morose : le nécromant le plus puissant... Il vivait sur une île non loin d'ici. Mais il était aussi, sans qu'on le sache, un redoutable démoniste et connaisseur de magie de toutes catégories. Il accepta de collaborer avec moi.
Ces livres pouvaient faire une chose terrible : manifester ce qu'il y a de plus bas en vous, ce que vous cachez la plupart du temps, le Mal.
Ces livres avaient donc le pouvoir de faire ressortir l'autre face que mes guerriers avaient en eux, le Mal et ils pouvaient ainsi se transformer en démons assoiffés de sang. Ce qui était génial car en plus, je pouvais communiquer avec eux et commander par la seule voie de l'esprit. Pourtant, il y avait des points négatifs et pas des moindres. Premièrement, il fallait à chaque fois invoquer le démon car pour finir, le côté Bien refaisait surface et prenait le dessus sur le Mal. Leur métamorphose ne durait donc que pendant un temps limité. Deuxièmement, quand ceux qui étaient possédés revenaient à leur état normal, ils n'avaient alors plus aucun souvenir de leur état second ce qui était fort gênant. Et troisièmement, certaines personnes atteintes devenaient instables car en eux, dans leur esprit, le Mal ne perdait pas. En elles, le combat du Bien et du Mal, le jugement dernier ne s'arrêtait pas. Et ce fut le cas pour Harald qui a un démon qui peut surgir à tous les instants. Et ce démon s'appelle Rasvelg*. Celui-ci est presque incontrôlable et doté d'une extrême violence. Bref, c'est le plus puissant des démons qui existe après moi.

Au début, je n'avais pas vu le point faible de cette magie. Je l'ai donc faite pratiquer sur Harald. Je me suis ensuite remis la conquête du monde en tête. J'y ai songé pendant des années et j'ai moi-même préparé les plans. J'ai d'abord décidé de changer de nom, car je ne voulais plus de mon image de monstre. Je me suis donc nommé Ragnar. En plus, mes soldats ne pouvaient pas savoir que leur seigneur était un monstre comme moi car je les commandais par esprit. Je fis appel ensuite à mes anciens guerriers qui revinrent. Quant à ces derniers, je leur ai dévoilé ma vraie personne pour qu'ils croient en moi comme on croit en un dieu. Et je fis même appel à des mercenaires de votre continent. J'allais redevenir un puissant roi sous le nom de Ragnar. Il suffisait, lors des batailles, d'invoquer le côté Mal de mes soldats. Grâce à cette magie j'ai pu me faire connaître. Mais malheureusement, j'ai perdu mon immortalité, je n'étais plus un véritable démon. Oui, j'étais comme qui dirait déchu. Le temps jouait contre moi et si cela avait duré, je n'aurais certainement pas eu le temps de faire aboutir mes projets.
Pourtant j'étais sûr qu'il y avait d'autres magies enfouies dans ces terres, dont celle qui me permettrait d'accéder à nouveau à l'immortalité. Je n'ai pas eu tort. J'ai trouvé plusieurs écrits d'une importance phénoménale dont un ouvrage qui n'est peut-être pas destiné au monde des mortels... Le Necronomicon, le livre des morts.
Cet ouvrage permettait d'ouvrir des portes vers d'autres dimensions inconnues et d'appeler les créatures de ces mondes à venir dans le nôtre comme tu as pu le constater avec le Manticore. Je décidai alors de me préparer une armée constituée uniquement de monstres. Toutefois, je voulais encore changer de nom, oui, je voulais renaître, redevenir Ex-Mortius. Donc j'ai fait en sorte qu'on me croit mort. »

Althiof qui gisait par terre et qui était toujours à l'écoute, déclara :

« Qui... Mais qui, aurait pu se douter que Ragnar, le plus puissant de tous les seigneurs ait été la réincarnation du Mal, un véritable monstre ? »

« Oui, il est vrai que j'avais bien caché ma véritable identité, je dois av... » et le Viking l'interrompit.

« Mais pour Torhak... et Kanhögart... Pourquoi ? Pourquoi m'avoir amené ici ? »

« C'est très simple, ceci est la réponse à ta première question : depuis que Torhak t'a connu, tu as eu beaucoup d'estime à ses yeux. Pourtant, depuis que tu as acquis ce marteau, une jalousie mesquine et malsaine s'est propagée en lui. Il a été furieux de la façon dont tu as pris cette arme et à partir de ce moment, son coeur s'est véritablement empli de haine. Je l'ai aperçu car vois-tu, j'ai le don de pouvoir lire les sentiments des personnes et quand Torhak est venu sur cette île, j'ai senti que son esprit était troublé. Crois-tu qu'il était vraiment assez bête pour se jeter à mains nues sur un loup ? Mais non ! Il savait que cette créature était susceptible d'être une créature garou donc il s'est volontairement fait mordre, pour lui aussi, devenir un monstre. J'ai clairement vu dans son jeu. Puis quand tu es allé chercher du bois, il a fait un pacte avec Notsonn le Satyre, il vouait son esprit au Mal en rejoignant mon bestiaire et en échange, je lui permettrais de te tuer, afin qu'il assouvisse sa haine. Oui, son côté Mal était ressorti, mais il ne pouvait le faire sortir que quand la lune était pleine. A ce moment précis, il avait donc le pouvoir de se transformer ou non.

Maintenant, je vais répondre à tes seconde et troisième questions. Lorsque j'étais Ex-Mortius, je menai une guerre contre un dénommé Bragi Vorkrieg. Je massacrai son armée et demandai un lourd tribut qu'il n'aurait certainement pas pu donner. Il me proposa donc de m'offrir son fils le plus jeune, Kanhögart. J'acceptai car j'avais besoin d'un fournisseur de chair. Sa tâche fut alors de m'apporter de la viande fraîche en prétextant une battue et menant des guerriers innocents à leur perte. Puis, après ma défaite, il s'enfuit de cette île. Et je n'aurais en aucun cas pu le trouver car je n'avais plus d'armée. Mais lorsque je trouvai les grimoires et appelai Vortirak-le-morose, je demandai à ce dernier de me le retrouver par la magie et ce fut chose faite. J'en fis même un démon. Il est maintenant à mon total service et m'a même donné sa fille, ses gardes et son frère en présent, quelle amabilité ne trouves-tu pas ? »

« Alors, maintenant... Tu vas me tuer ? »

« Non, bien sûr que non. Je vais demander à Vortirak-le-morose de te soigner. Mais ne te réjouis pas, une fois que tu seras mis sur pied, tu seras mon suppôt, ma bête. Je fais cela parce que j'ai besoin de démons dans mon armée. C'est pour cela que j'ai voulu faire des affrontements entre vous : je garde les gagnants pour mon armée et les perdants sont dévorés. Mais, toi, tu es spécial, tu n'es pas comme les autres, tu as plus d'expérience. Tu as une chose que les autres n'ont pas, ce marteau, ce marteau qui est divin. Tu seras général, oui, tu seras le général de ma nouvelle armée qui vaincra tout le reste du monde. Ha ! Ha ! Ha ! C'est plutôt flatteur, je trouve. »

« Mais comment sais-tu que... mon marteau est... divin ? »

« C'est très simple, rappelle-toi, la nuit où tu as vu ce monstre à ta fenêtre, c'était en fait Rasvelg. Je l'avais envoyé pour avoir un bref aperçu des mercenaires que Kanhögart allait m'envoyer. Rasvelg t'a bien inspecté et il n'y avait aucun doute, tu étais parfait pour commander mon armée. Ensuite, il est allé ouvrir la fenêtre de Kanhögart et lui demander de plus amples informations te concernant. Il fallait toutefois du temps pour que Kanhögart puisse tout me donner sur toi, donc pour faire diversion, Rasvelg a tué un homme dans l'auberge.
Quand j'ai su, après avoir communiqué avec ma bête, que tu avais en plus un marteau divin, j'ai alors décidé de te prendre dans mon armée, que tu perdes aux affrontements ou non. Pour confirmer cela à Kanhögart, j'ai de nouveau envoyé Rasvelg, mais je n'ai pas pu faire invoquer son côté Mal donc tu as pu le voir en Harald quand il est venu dans l'auberge, le lendemain de votre première rencontre. Il s'est révélé ensuite qu'en fait, tu étais un guerrier exceptionnel. »

« Je... Je n'accepterai jamais de travailler pour toi... Je préfère mourir. »

« Bah... On ne te demande pas ton avis. Une fois qu'il aura lu les incantations pour faire de toi un démon, tu seras à mon entière disposition. »

« Il y a toujours une chose que je ne comprends pas... Le bateau qu'on a découvert et qui s'appelait Jun était-il à toi ? »

« Oui, c'est dans celui-ci que Kanhögart m'apporta sa fille en guise de soumission. Tu sais, il y a eu un grand malentendu.
En vous laissant croire que votre maître était parti, ce dernier et sa fille avaient l'ordre de venir ici en cachette. Mais ces imbéciles ont pris le bateau que vous deviez prendre. Du coup, le navigateur n'était pas celui que je voulais. Et je n'avais pas confiance en ce marin qui avait accepté de vous conduire jusqu'ici, alors j'envoyai un de mes drakkars personnels. Je dois bien t'avouer que j'aurais dû faire attention au nom de celui-ci. En toute discrétion, Volsung a ensuite tué Rodalson qui était pourtant son ami car il savait trop de choses concernant les livres invocatoires et autres magies sombres. Ensuite, Volsung jugea préférable de continuer le voyage en barque, mais il ne sut pas que tu avais été perdu en route. J'admets que j'ai eu peur de te perdre mais grâce à la bénédiction d'Aegir, tu es venu à moi, sain et sauf. Après, pour que tu trouves ma forteresse, j'ai appelé mon serviteur satyre à te conduire jusqu'à moi, cela a été une idée fort judicieuse.»

« Et pourquoi ne m'as-tu pas tout de suite amené ici ? Pourquoi nous as-tu laissé, moi et Torhak, seuls dans ta forteresse ? »

« Parce que j'étais trop curieux à ton sujet, je voulais vraiment être sûr du choix de te nommer général. Un test en quelque sorte. Bon, trêve de bavardages, il est venu pour toi le temps de devenir un monstre.»

« Non, encore un moment... Tu parlais d'une nouvelle armée, où se trouve-t-elle ? »

« Ici même, car cette forteresse renferme en elle une ville qui est peuplée de mes guerriers et de peuples qui sont sous ma soumission et grâce à eux regarde ma forteresse... Un véritable palais. »

« Un palais ? Avec toutes ces statues qui expriment la souffrance... Quelle beauté trouves-tu en cela ?»

« Ha ! Ha ! Mais le monde n'est-il pas plus triste à lui tout seul ? Regarde-toi... Tu as couru à ta perte pour des pièces d'or ! L'humanité, c'est ça... C'est quelque chose qui court à sa perte... Et moi je suis le Messie, celui qui empêchera les hommes de s'autodétruire car c'est cela votre mission, vous, les hommes, vous êtes faits pour vous détruire et pour vivre avec cette souffrance, horrible, insupportable même... La vraie peur. N'as-tu jamais songé à ta vieillesse ? Tu es un compte à rebours. Tu sais très bien que c'est inévitable, tôt ou tard cela arrivera... »

« De quoi parles-tu ? »

« De ta mort bien sûr, ce n'est pas triste peut-être ? »

« Et toi ? Comment vas-tu faire ? Tu es comme cette humanité que tu méprises tant, mortel. »

« Pas pour longtemps hélas. »

« Comment ? »

« Je vais pouvoir être immortel. »

« Tu ne l'es plus et tu ne le seras plus jamais à mon avis... »

« Détrompe-toi. Les personnes comme moi, les ambitieux veulent toujours la vie éternelle pour finir ce qu'ils ont décidé d'entreprendre. Je suis comme ces poissons que tu as certainement aperçus. Le cours de la rivière est le temps et moi, tout comme ces animaux, j'essaie de ne pas le suivre.
Je peux devenir immortel grâce à deux grimoires dont je possède le premier exemplaire.
J'avais envoyé mes guerriers me le chercher. Ils étaient en charrette et réussirent à l'avoir, mais ils étaient faibles, ils se sont fait tuer par des maraudeurs de nuit. Ces derniers n'ont pris de mes guerriers que de l'argent et n'ont pas pris l'écrit. Ils ont tué tous mes soldats, et le livre est resté dans l'attelage. Cela a été donc à Volsung de prendre le livre lorsque vous avez aperçu la charrette dans la forêt. »

« Il me semblait bien que cet ouvrage l'attirait un peu trop. Et où se trouve le second ? »

« Ce livre se trouvait avant dans une grande bibliothèque, la plus grande qui ait jamais existé. Mais ce monument fut ensuite saccagé et détruit par le feu. Et l'oeuvre en question a été, comme de nombreuses autres, volée par des pilleurs. J'ai entendu dernièrement que c'était un groupe de brigands vikings qui la possédaient. »

« Mais pourquoi dois-tu posséder deux livres ? »

« Le premier me permettra de devenir pur et enfin, le second à être... Un dieu. »

« Un dieu ? »

« Oui, le dieu absolu. »

« Mais comment peux-tu être pur avec la méchanceté que tu as en toi ? »

« Je serai pur... Mais pur en méchanceté. Comme le noir qui nous entoure, mon coeur sera sombrement pur... »

« Ce n'est pas possible... »

« Et quand le moment sera venu je monterai sur ceci. » et il montra un trône d'une beauté incomparable.

« Tu es absurde... Ton rêve ne se réalisera jamais... »

« Bon, le temps est venu, je voudrais te présenter un homme cher à mes yeux, Vortirak-le-morose. »

Althiof aperçut un grand homme, maigre, ramolli, ressemblant à un zombie... La fin était venue, il allait devenir un démon et être le serviteur d'un monstre. Tout le monde riait, regardant le Viking d'un air moqueur, sauf Rasvelg. Lui, il avait une pensée derrière la tête... Ayant attendu le moment propice, Althiof se releva brusquement.

« On ne vient pas si facilement à bout d'un Viking ! » cria-t-il en donnant un coup à Kanhögart.
La tête de celui-ci fut arrachée et son corps tomba par terre, inerte. En même temps, Ragnar voulut attaquer le Viking, mais Rasvelg l'arrêta en lui enfonçant sa mâchoire dans le cou.

« Peuh... Rasvelg... Pourquoi fais-tu cela... »

« Car j'estime que tu n'es qu'un pauvre seigneur trop vieux pour être dieu et que je dois prendre ta place ! » rétorqua la créature d'une voix rauque en laissant le corps de son présumé maître au sol.

À ce moment, Jun, d'une rage folle, voulut venger son père et attaqua Althiof au moment opportun pour elle.

« Crève, sale Nordique ! » s'écria-t-elle en brandissant sa hache.

Le coup l'atteignit, mais il riposta par un coup de côté fatal à la jeune fille. Althiof avait du mal à tenir debout. Mais il s'aperçut que le nécromant fuyait, ses forces revinrent et il voulut le rattraper, mais Volsung le chargea au même moment.

« Graah ! Tu vas mourir ! » rugit-il très fort.

Althiof esquiva le coup de justesse et frappa Mjollnir par terre. Une grande onde de choc se forma et alla droit en direction du capitaine mercenaire. Ce dernier fut littéralement envoyé à plus de sept mètres.
Pendant ce temps, Vortirak-le-morose courait dans les escaliers de la forteresse, il essayait de s'enfuir, mort de peur. Mais Rasvelg le suivait furtivement. Une fois sorti, le nécromant se précipita vers le cimetière qui se situait sur une falaise. Arrivé, il s'arrêta et regarda autour de lui ; il ne vit personne. Pourtant, Rasvelg l'observait, comme une ombre.
Dans la forteresse, Volsung s'était relevé, brandissant son épée, signe qu'il allait mener une nouvelle offensive. Le Viking, lui-même blessé, s'apprêtait à soutenir l'attaque. Le capitaine mercenaire bondit sur son adversaire. Althiof frappa la jambe de Volsung tout en évitant le coup de celui-ci. Ce dernier tomba par terre.
Dans le cimetière, Vortirak-le-morose était caché derrière un grand arbre, persuadé que personne ne l'avait suivi. Le démon était non loin de là, sur l'une des branches de l'arbre. Le nécromant restait immobile. Par contre, Rasvelg était en train de descendre de l'arbre, discrètement, comme un serpent.
Dedans, Althiof regardait le corps immobile de son ennemi.

« Pff... Cela t'apprendra à ne pas t'en prendre à plus fort que toi ! » grogna-t-il.

Puis, il se tourna et avança péniblement. Il contempla les ornements du trône de Ragnar. Soudain, il entendit un bruit, il se retourna et vit son adversaire.
Dehors, Vortirak-le-morose se parlait à lui-même. Il se disait que personne ne pouvait le trouver, qu'il était en sûreté. Rasvelg sauta brusquement sur le nécromant, qui se débattit, mais il était trop tard. Le cou de la victime fut littéralement déchiqueté par la mâchoire puissante du démon. Vortirak-le-morose gémit une dernière fois, puis ferma les yeux. Rasvelg traîna sa victime jusqu'au bord de la falaise et la jeta dans le vide. Ensuite, il se dirigea vers la forteresse, dans le but d'achever ceux qui restaient.
Dans l'édifice, Althiof avait vu Volsung et s'était préparé à encaisser le coup mais ses forces le lâchaient, il était à bout. Soudain, il sentit une douleur, la douleur qui, à la fin, n'en est plus une car on sait que c'est la dernière chose que l'on va ressentir avant la mort, on profite de la souffrance pour être sûr qu'on vit encore. C'était le Satyre, il avait enfoncé son épée dans le tronc du Viking.

« Nii... Tu avais dit qu'on allait se revoir... C'est chose faite. » dit-il.

Volsung se releva, péniblement et acheva son ennemi. Althiof, qui s'était toujours battu avec courage, tomba, et sa tête se détacha de son corps avant de rouler sur le sol.

« Tu ne fais plus le fier ! Alors c'est qui le plus fort ? Ha ! Ha ! Ha ! » déclara le capitaine mercenaire avec orgueil.

Rasvelg vit la scène et courut sur Volsung, ce dernier fut littéralement dévoré. Puis, le Satyre chargea le démon, celui-ci n'en fit qu'une bouchée. Rasvelg inspecta tous les cadavres ; mais Ragnar semblait avoir disparu. Il regarda encore partout autour de lui, malgré un bon réflexe, il ne put éviter ce qui allait arriver : Ragnar l'énuqua. Le démon tomba par terre, mort.

Celui qui voulait devenir un dieu jeta un coup d'oeil autour de lui, avant de s'avancer vers son trône. Il voulait, avant sa mort, savourer le plaisir d'être le seigneur suprême. Son sang coulait à flot, son heure était-elle arrivée ? La même question le préoccupait, mais il voulait avant tout accomplir son rêve de toujours.
Enfin assis sur le trône, il regarda la salle, il n'y avait, à part lui, que des cadavres. Il frissonna à l'idée de devenir comme eux.
Le ciel grondait toujours, et se faisait plus sombre. Les nuages laissaient passer des éclairs. Le vent soufflait fort, les vagues devenaient plus violentes.
L'immense forteresse inspirait la peur, sa couleur noire inspirait la crainte. Ragnar, regardant une dernière fois l'horizon, sourit bêtement...
Il venait d'apercevoir dans la grosse fourrure de Althiof, un livre, un livre qui lui était destiné : le second livre dont il avait besoin. Il contempla la gravure : des squelettes qui dansaient. C'était le paradis des Archontes, appelé aussi la Vallée de l'Ombre. Il allait bientôt disparaître avec lui. Il prononça le titre de l'ouvrage une dernière fois, puis il ferma les yeux. La voile céleste s'assombrit pour ne plus jamais s'éclaircir de nouveau... Il était mort, assis sur le trône qu'il avait éternellement voulu posséder...


FIN



Notes :
* Ce nom vient du scandinave Hraesvelgr et signifie dévoreur de cadavres humains.

L'Ecorché

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