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La Vallée de l'Ombre : Chapitre 7 - Perurbadunum

Le ciel s'était un peu éclairci, Althiof et Notsonn étaient éveillés depuis longtemps, attendant le réveil de Torhak.

« Cela fait au moins quatre heures que nous attendons, Althiof, pourquoi ne pas le réveiller ? » questionna Notsonn.

« Laissons-le donc se reposer, il a guetté toute la nuit. »

Puis, Torhak se réveilla.

« Oh... ma tête... Je... Mmh... »

« Tu as bien dormi j'espère ! » interrogea Althiof.

« Oui... »

Ils allèrent à la rivière pour se rafraîchir. Le brouillard régnait encore, et peut-être même plus qu'auparavant. Le ciel était un peu plus clair, et le temps un peu plus grisâtre.
Ayant préparé leurs affaires, ils continuèrent leur longue marche dans les bois, toujours à la recherche de la forteresse d'Ex-Mortius. Les arbres semblaient grimacer, provoquant la méfiance des guerriers. Ils virent derrière un gros rocher, un mercenaire... Mort.

« Qu'est-ce que cela signifie... » dit Althiof. Car le corps en question était celui de Notsonn.

« Ha ! Maintenant que j'ai obéi à mon maître, je peux vous montrer mon vrai visage ! » révéla Notsonn, avant de se transformer en satyre.

« Par tous les dieux, une de ces créatures de la forêt ! Mais que devais-tu accomplir ? » demanda le Viking en sortant son marteau.

« Boire le fluide de ce prénommé Notsonn et prendre son apparence pour vous amener ici... »

« Où ici ? »

« A Perurbadunum ! »

« Quoi ? »

« Regarde par tes propres yeux ! »

L'épais brouillard se dissipa et laissa entrevoir une vue, un édifice démesuré d'une couleur sombre, érigé sur le sommet de l'île. Pour y accéder, il fallait monter par un long escalier.

« Par le marteau de... C'est impossible... » se dit Althiof.

« Oh... Quel monument fantastique... » souffla le Hongrois.

« Nii... C'est le palais de mon maître Ex-Mortius... Je vous dis au revoir... » et le satyre disparut en fumée.

« Effectivement... on va certainement se revoir... » dit le Viking.

« La fameuse forteresse... Allons-y. » proposa Torhak.

Ils montèrent les premières marches, regardant s'il n'y avait pas un piège quelconque. Puis, ils commencèrent leur ascension vers Perurbadunum d'une vitesse plus élevée. La lune, pleine, dans toute sa splendeur éclairait le chemin de Torhak, il avait besoin de sa clarté car depuis un moment déjà, sa vue avait faibli. Elle avait du reste faibli depuis plus de temps qu'il ne le croyait.
Les nuages commençaient à se retirer et pour finir, se défaire. Le ciel devenait plus clair et moins gris. La forteresse causait une sensation de peur, de vertige, de déséquilibre. Torhak regardait ce monument impressionnant. Inopinément, des yeux rouges et une mâchoire apparurent, comme s'ils appartenaient à l'édifice lui-même. Cela lui provoqua une peur qui se consuma... C'était un désir en lui d'avoir peur. Puis il se souvint de cette grotte... où Althiof avait trouvé son marteau.

« Ces Géants... Qui mangeaient de la chair humaine... Nous les avons combattus. Un affrontement sanglant, une lutte acharnée. Althiof se battait avec sa petite épée... Puis après avoir tué ces créatures immondes, nous sommes entrés dans cette caverne, à la recherche de cette liche... Puis nous sommes arrivés dans cet endroit humide... Une lumière dorée... Mjollnir. A côté, l'épée destinée à n'être qu'un objet de remplacement... Althiof courut vers ce marteau, me laissant ce glaive. Une liche apparut ensuite, une créature terrifiante ayant un crâne humanoïde et des yeux teintés de rouge je me rappelle. Elle réclamait le marteau, et elle avait raison. Althiof n'avait pas le droit... Pas le droit de le prendre ainsi car c'était l'objet de la liche. Elle chargea Althiof avec une grande épée à la lame noire, portant des écritures qui brillaient d'une couleur claire. Althiof la frappa avec sa nouvelle arme, la créature reçut le coup et tomba à terre. Je l'achevai mais au moment de la mort du monstre, une dizaine de guerriers squelettes sortirent de terre, décidés à nous tuer. Althiof frappa le sol avec Mjollnir, ce qui créa une grande secousse. La grotte commença à trembler et le plafond à s'écrouler, ce n'était évidemment pas voulu. Nous courûmes vers la sortie... Je voulais récupérer l'arme de la liche, ce n'était hélas pas envisageable, il fallait venir à bout des cadavéreux pour cela. Nous réussîmes tout juste à leur échapper... Je n'oublierai pas ce qu'il a fait... JAMAIS... »

Les marches étaient très courtes mais larges, il faisait sombre, froid et humide. Cette chasse n'était pas simple, loin de là.

Au bout d'une heure, après avoir pris plusieurs pauses, ils arrivèrent au bout de leur entreprise. Ils étaient exténués et savaient que le plus dur restait à venir : l'affrontement contre Ex-Mortius.
Devant eux se tenaient deux gigantesques portes, qui, on ne sait comment, s'entrouvrirent.

« Hein ? Qui a bien pu ouvrir cette porte ? » demanda le Viking.

« Quelqu'un qui sait que nous sommes arrivés... Entrons »

Ils passèrent les deux portes et restèrent figés devant le spectacle qui s'offrait à leurs yeux.
Ils étaient dans une énorme salle au plafond très haut et aux carrelages lisses. Les briques du sol, noires et blanches, étaient placées d'une telle manière qu'une brique noire ne touchait jamais une autre de la même couleur comme dans un échiquier. Au centre de la halle, se trouvait une immense table avec une bougie placée dessus. Il y avait une légère lueur qui se dégageait de celle-ci.
Du côté droit, se dressaient des sculptures d'hommes, parfois aux traits animaux tels que des Hommes-Sangliers, des Satyres ou encore des Harpies. Mais elles avaient toutes un point commun : leurs visages exprimaient la souffrance et la douleur.
Du côté gauche, il y avait une énorme vitre qui donnait sur l'étendue d'eau.
Il y avait deux portes en bois au fond de la pièce, Althiof s'avança vers celle de droite et essaya de l'ouvrir, mais en vain, car elle était verrouillée.

« Nous n'avons pas le choix, on dirait. » fit remarquer Torhak.

« Oui, mais tiendra-t-elle face à mon marteau... » Sur ces paroles, il prit son arme et frappa un grand coup contre la porte. Elle ne céda pas, il n'y avait pas même une égratignure sur le bois.

« Ce n'est pas possible... » dit Torhak.

« Par quelle magie ? Non, je n'arrive pas y croire ! » s'écria le Viking.

« Tant pis, nous prendrons l'autre porte. »

Le Hongrois ouvrit la porte de gauche, derrière laquelle se trouvait un escalier qui descendait à un sous-sol.

« Comment savais-tu que cette porte n'était pas verrouillée ? » demanda Althiof.

« Euh... J'ai pensé que si ce n'était pas celle de droite ce serait certainement celle de gauche. Bon, y allons-nous ? »

« Oui... »

Ils descendirent les escaliers et arrivèrent dans un long couloir éclairé par des torches. Du côté gauche et droit, se tenaient trois grandes statues de quatre mètres de haut, vêtues d'une grosse armure et tenant une hache dans la main. Torhak s'avança le premier, suivi d'Althiof qui s'approcha d'une statue. Celle-ci soudainement bougea, prit vie et attaqua Althiof à la hache. Ce dernier fit un bond à gauche pour éviter le coup et prit son marteau. Alors les cinq autres statues se mirent à bouger. Torhak se lança contre elles. Mais la lame de son épée ne put rien faire contre la pierre des statues. Althiof, quant à lui, battait en retraite, ne faisant qu'éviter les coups de son adversaire.

« Nous ne pouvons rien contre eux ! Il faut que nous fuyions ! » dit-il.

« Oui, tu as raison ! Là ! »

Il montra le fond du couloir où il y avait une grille munie de fort gros barreaux qui se trouvaient au sol et dont les interstices permettaient juste aux mercenaires de se glisser de l'autre côté. Torhak courut d'une vitesse fulgurante et passa la grille. Althiof courut lui aussi, esquiva tout juste un coup d'une des statues, se laissa tomber et traversa les barreaux. Malheureusement, en dessous se trouvait un canal au courant d'eau très fort. Quand Torhak plongea, il ne sentit presque plus son corps tellement l'eau était gelée. Il essaya de nager mais le courant était trop fort. Pourtant il ne se noya pas. Althiof, par contre, risquait le pire car non seulement son imposant marteau mais surtout à cause du tonneau qu'il transportait derrière son dos qui était lourd.

« Torhak ! Ton épée ! Glp... » cria-t-il avant de couler.

Le Hongrois sut ce qu'il voulait dire. Avec une grande force, il planta son épée dans la paroi du canal. Grâce à l'appui obtenu, il réussit à se hisser hors de l'eau et à monter sur le rebord mais à sa grande surprise il ne vit plus Althiof. Celui-ci avait coulé mais il tenait l'épée de Torhak qui était toujours plantée contre la paroi mais qui menaçait de céder à la force du courant. Torhak le vit enfin et put tirer son ami.

« Merci Torhak ! » dit-il très essoufflé et fatigué.

« Mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ? »

Althiof ne répondit pas, il était en train de reprendre des forces.

« Et mon épée ? Comment pourrais-je la reprendre ? » reprit Torhak.

« Je crois que nous ne pouvons plus rien faire pour ton arme. » répondit Althiof en apercevant que l'épée de son compagnon s'était détachée de la paroi et qu'elle était prise dans le courant.

« Non... Je ne pourrai plus jamais me battre... »

« Au moins nous avons échappé à ces terribles statues. Tu trouveras bien une autre arme tout aussi belle. »

« Oui, tu as peut-être raison. Mais où sommes-nous ? »

« Je pense qu'on est dans un système d'égouts. J'en ai entendu parler. À l'époque romaine, les grandes villes étaient dotées d'un système d'égouts pour évacuer les déchets et l'eau de la pluie mais comment se fait-il qu'il y en ait un dans cette forteresse ? Je n'en sais rien. Avant tout, il faut que je me débarrasse de ce tonneau qui a failli me coûter la vie. » Et il commença à le détacher pour le jeter dans le courant.

« Regarde ! » Le Hongrois montra une grille semblable à celle qui était dans le couloir des statues vivantes.

« Oui... Il faut que nous réussissions de monter là-haut mais comment faire ? »

Soudain, une ombre apparut de l'autre côté des barreaux et leur tendit une corde.

« Comment ? Est-ce un miracle ? » questionna Althiof.

« Peu importe c'est une chance pour nous de sortir de cet endroit, allons-y. »

Torhak monta le premier, puis vint son ami.

« Harald ? », cria le Viking, « Mais comment êtes-vous arrivé ici ? »

« C'est une trop longue histoire. Il faut en premier lieu sauver mon frère. »

« Kanhögart ? »

« Oui. »

« Dois-je comprendre que vous vous êtes faits tous les deux enlever ? »

« Oui mais dépêchons-nous, j'ai été enfermé dans la même cellule que mon frère et sa fille. Nous avons essayé de nous enfuir. J'ai réussi sans me faire apercevoir mais Kanhögart et sa fille, eux, ont eu moins de chance. Ils vont certainement être punis de mort car ils se sont faits attraper par des sbires d'Ex-Mortius. Et ces derniers sont à ma recherche. »

« Alors dites-nous où ils se trouvent. »

« Venez, suivez-moi... »

Harald les emmena dans un long couloir sombre, suivi d'un escalier montant et au bout duquel se trouvait une salle. La pièce était très sombre, à gauche se trouvait une petite porte et des deux côtés, des cages. Torhak s'approcha de l'une d'elles ; il y vit une créature humanoïde mais de très petite taille et qui avait à la place de la tête une immense mâchoire dotée de crocs monstrueux. Torhak recula et prit un air de dégoût.

« Ces bêtes sont terrifiantes... » dit-il simplement.

Althiof s'avança vers le fond de la salle, où se trouvait un présentoir portant un livre.

« Mmh... Du grec je crois. Je ne sais pas lire cela, qu'est-il écrit ? » demanda-t-il.

Harald s'approcha et lut à haute voix :

« Necronomicon... Le livre des morts. »

«Y aurait-il des invocations ? »

« Oui sûrement... »

Harald le prit dans ses mains et l'ouvrit. Il aperçut des dessins d'anciens démons décrits par des témoins. Il s'arrêta sur une créature à quatre pattes, à la fourrure de lion, aux ailes de chauve-souris et à la tête d'homme appelée Manticore. À côté de sa représentation se trouvait des mots d'origine inconnue. Kanhögart les lut. Puis un vent sifflant se fit entendre.

« Mais qu'est-ce que c'était ? » questionna le Viking.

« J'ai dû lire les mots-clés pour invoquer une créature. Je ne savais pas... »

La petite porte fut défoncée et un monstre horrible fit apparition, le Manticore en personne.
Althiof se jeta sur la bête mais celle-ci répliqua par un coup de corne qui propulsa le Viking en arrière. Il tomba tête la première, essaya ensuite de se relever mais n'y arriva pas, ses forces le lâchaient. Il vit le Manticore qui s'approchait, lança son marteau, désespéré, puis tout devint flou...

Le ciel était lourd, chargé d'ondes négatives. Les nuages se regroupèrent et se firent bas, très bas. Le vent soufflait sur la neige blanche, cette terre si pure qui regorgeait pourtant des créatures qu'on ne pouvait même pas décrire tellement elles étaient horribles.
Althiof rouvrit doucement les yeux et vit le Manticore, couché, une blessure sur le crâne, mort. Il se leva, il n'y avait que lui dans la pièce qui était encore plus sombre qu'avant. Le Viking avait mal à la tête, il eut la vague impression d'être entouré par quelque chose mais ce n'était hélas qu'une hallucination. Il reprit son marteau et s'approcha du monstre. Cette bête le fit trembler tellement cette fourrure, si épaisse et ce visage d'homme le surprenait. Pourtant il avait osé l'attaquer, plus tôt, mais comment ce courage lui était-il venu ? Était-ce dans le sang viking que résidait cette sensation d'être le plus fort lorsqu'on attaquait le premier ? Ou était-ce l'adrénaline de tout bon guerrier ? Du reste en était-il réellement un ? Il n'en savait rien. Puis, Althiof se dirigea vers la porte défoncée.

« Où sont Torhak et Harald ? Sont-ils morts ? Dans ce cas pourquoi ne le suis-je pas ? Oh... Ma tête... Et comment Kanhögart, Jun et Harald se sont-ils faits enlever ? »

Il avança pour savoir ce qui se trouvait derrière, il ne fut pas surpris, il y avait un couloir tout aussi sombre que la pièce. Il le traversa, marteau en mains. Il déboucha sur une salle à deux étages.
L'escalier qui menait à l'étage était d'une somptuosité sans égal, sa barrière était faite d'or et des motifs y étaient sculptés. Il monta, et chaque marche lui sembla une étape de franchie. Arrivé au bout de ce périple, il vit une statue d'homme qui n'en était pas un. C'était une bête dont le visage était à moitié arraché. Oui, c'était une bête étrange, encore... Toute chose qui se trouvait en ces lieux n'était qu'étrangeté, souffrances, horreurs et morbidités. Althiof baissa la tête et se mit à genoux, il en avait assez, assez de tous ces visages qui exprimaient la douleur, assez de se battre contre des monstres si terrifiants. La Vallée de l'Ombre portait bien son nom. Il regrettait d'être venu, qu'y avait-il gagné ? Sa soif d'or l'avait mené à sa perte. Son meilleur et plus fidèle ami avait disparu, certainement mort, et celui qui devait le récompenser aussi. Mais pourquoi devait-il être gratifié ? Il n'avait rien fait de bon. Il se dégoûtait... Sa fierté de Viking ne le possédait plus. Il allait mourir c'était certain. Et pourquoi cette forteresse était-elle si déserte ? Où était donc Ex-Mortius ? Où étaient les autres ? Voilà les multiples questions que se posait Althiof et au même moment, la lune brillait de toute sa splendeur, une lumière pourpre vint l'illuminer, mais pas assez pour éclaircir ses pensées...
Il leva la tête. Il se rendit compte qu'il avait peur, peur de continuer, peur de rencontrer ce qui était maintenant inévitable, ce qui angoissait toutes personnes, qui les rendait folles : la Mort.
Soudain il entendit un souffle, quelque chose se trouvait près de lui... Un loup.
La bête avait un pelage sombre, très sombre, ce qui avait pu lui permettre de se cacher. Althiof se remit debout et se tint prêt à subir une attaque qui ne se fit pas attendre. Le loup bondit et ses crocs entrèrent dans la chair du Viking qui cria de toutes ses tripes et se laissa tomber par terre afin de plaquer le loup au sol. Ce dernier lâcha prise mais Althiof n'arriva pas à le maîtriser, il se releva et prit un peu de recul. Le loup se remit sur pattes et se tint immobile. Althiof ferma les yeux et lança son cri de guerre en courant vers l'ennemi. Il frappa dans les côtes de la bête, qui cracha du sang avant de tomber, elle ne bougea plus. Althiof s'approcha du loup, mais celui-ci, d'un geste brusque, se releva d'une vitesse fulgurante et mordit Althiof à l'épaule. Le Viking n'en pouvait plus, il tomba, mais à sa grande surprise le loup ne le dévora pas, il voulait encore plus l'affaiblir. Althiof se mit durement sur pieds et attendit. Il se concentra un moment, son arme possédait une force inimaginable et il voulait utiliser cette puissance. Le marteau se mit à briller, le Viking courut sur l'adversaire, c'était certainement la dernière attaque qu'il pouvait faire et il le savait. Le loup aussi, bondit sur Althiof. Cette fois c'était la bonne, le Viking frappa en pleine tête et la créature fut éjectée à quelques mètres plus loin, elle passa par-dessus la barrière de l'escalier et tomba raide, à l'étage en dessous. Althiof s'approcha de la barrière pour voir si son ennemi était mort, ce qui était. Toutefois, son corps commença à se déformer, à être plus petite, à devenir humanoïde... La bête était humaine.
Althiof fut sidéré, devant lui était couché son ami le plus fidèle... Torhak.

L'Ecorché

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