La Vallée de l'Ombre : Chapitre 1 - La Proposition

La nuit couvrait le ciel d'une noirceur inquiétante, les montagnes de Molde paraissaient plus foncées que jamais. Le vent soufflait fort. Les nuages, d'une teinture foncée, sillonnaient l'horizon. C'est à ce moment que deux mercenaires assoiffés et épuisés entrèrent dans l'auberge la plus proche. C'était un Viking s'appelant Althiof, accompagné de son initié, un jeune garçon hongrois nommé Torhak. Le Viking était barbu et portait un casque inhabituel. Il était vêtu d'une longue fourrure avec par-dessus une armure attachée à son épaisse ceinture. Il avait également, sur lui, un marteau d'une couleur dorée et derrière son épaule gauche était attachée une targe. Il avait aussi un petit tonneau dans lequel était stockée de la bière. Le Hongrois, lui, était accoutré d'une chemise à manches longues et d'une cotte de mailles. Il laissait traîner une cape teintée de rouge. Il portait aussi un bouclier sur le dos, ainsi qu'une épée si lumineuse que sa seule lumière suffisait à percer l'épais brouillard qui résidait en ces lieux. Il cacha un peu son épée sous son plaid au moment d'entrer dans l'auberge.

Pendant toute la journée, ils avaient marché en direction de l'Ouest, à la recherche de quêtes ou d'autres aventures pour lesquelles on aurait eu besoin d'eux.
Après s'être assis, Althiof demanda une grande chope de bière. Son compagnon, Torhak, succomba plutôt à l'odeur délicieuse du vin de la région. D'un bruit soudain qui en surprit plus d'un, la porte claqua. Un étrange homme se dressa devant eux. Suivi de ses gardes, il prit place et scruta intensément Althiof, qui, d'un mouvement brusque se leva et se dirigea vers l'étranger.

« Que me voulez-vous ? » grogna Althiof.

« Vous nous intéressez, chers guerriers. » répondit doucement l'un des gardes.

« En somme, nous avons besoin de toi ou plutôt... de vous. » clarifia l'homme étrange.

« Quoi ? Mais qu'est-ce que...? »

« Oui, tu m'as bien compris. Si vous nous servez correctement, nous vous offrirons beaucoup d'or, des pièces d'or comme tu les aimes... »

« En quoi cela consiste-t-il ? » dit Althiof en changeant de ton.

« Tuer une bête. » répondit l'homme

« Pff... Tuer un animal ne m'intéresse guère. »

« Qui est-ce qui t'a parlé d'animal...? »

« Alors, qu'est-ce que c'est ? » intervint Torhak

« Mmh... Nous sommes tellement entrés dans cette affaire que nous avons oublié les présentations. Alors, qui êtes-vous ? » questionna l'homme, d'un air amical.

Après un moment d'hésitation, les deux mercenaires prirent la parole.

« Je m'appelle Althiof Frostbeard, je suis un mercenaire viking. » dit le guerrier barbu.

« Moi, mon nom est Torhak Brakh, je suis le fidèle compagnon d'Althiof. »

« Intéressant, quant à moi je suis Kanhögart Vorkrieg, je suis jarl*, je possède une petite seigneurie à dix jours de charrette d'ici, au Sud. Eux, dit-il en désignant ceux qui l'accompagnaient, ce sont mes gardes personnels. Alors, acceptez-vous mon offre ? »

« Vous ne nous avez pas répondu, qu'est-ce que c'est que ce monstre ? » insista Torhak.

« Je ne vous le dirai que si vous acceptez... » répondit Kanhögart avec un long soupir.

« Et pourquoi ? » s'étonna le Viking

« Car si vous n'acceptez pas, ce serait un secret dévoilé. »

« Au juste, combien aurons-nous ? » demanda Althiof.

« Qu'est-ce que vous dites de cinquante heaumes ? »

« Comment ? Vous avez bien caché votre petit jeu. Vous nous dites que vous êtes un seigneur, vous voulez que nous nous battions contre une créature que nous ne connaissons même pas, et vous ne nous donnez que cinquante heaumes ? Vous êtes plutôt un baladin ! » s'écria le nordique avec colère.

En entendant ces mots offensants, l'un des gardes se leva brusquement, sortit son épée et la brandit sur le cou du Viking.

« Répète ces mots et tu n'auras plus de tête ! »

« Oh...j'ai peur... » se moqua Althiof.

« Je vais te t... »

Et Kanhögart intervint sur le garde furieux :

« Arrête ! Nous avons besoin de lui ! »

Le garde se calma et se rassit.

« Je veux plus ! » grogna Althiof.

Kanhögart prit son souffle et dit à Althiof :

« Mmh... De quel genre d'arme disposez-vous ? »

« Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question. »

« Cela pourrait augmenter votre butin. »

« Bon, j'espère que vous n'essaierez pas de la prendre car vous pourrez le regretter. »

« Non, rassurez-vous. »

« Je possède Mjollnir le marteau du dieu Thor, c'est un objet runique**. » dit-il avec fierté.

« Et vous ? » dit le noble en s'adressant à Torhak.

« Moi, je n'ai aucune arme runique. »

« Mais je vois là une somptueuse épée... »

« Oui, elle est belle, c'est vrai mais ce n'est pas une arme enchantée. »

« Cela est parfaitement ce dont on avait besoin. Je vous paierai cent heaumes, cela vous suffit ? » questionna Kanhögart.

Après un bref instant de stupéfaction, les deux mercenaires acceptèrent sans se soucier de grand-chose. Mais Torhak, qui était curieux de nature interrogea Kanhögart.

« Pourquoi voulez-vous la mort de cette bête ? »

« Cela est une question personnelle, tout ce que je vous demande, c'est de tuer cette créatu... »

Althiof l'interrompit.

« Comment voulez-vous qu'on sache qui abattre quand on ne sait même pas comment il est ? »

« Vous le découvrirez demain, reposons-nous pour le moment, car vous me paraissez fatigués. » et Kanhögart s'arrêta.

« Donc c'est une espèce de bête d'un autre monde. » en conclut Althiof.

« Oui, c'est à peu près ça... » dit Kanhögart.

« Et on va se battre contre cette créature... »

« Vous ne serez pas seuls, vous serez accompagnés par d'autres. »

« Cela me rassure. »

« Bien, nous devrions aller nous coucher. Je suis épuisé et je suis sûr que vous avez beaucoup marché aujourd'hui, je vous paie la chambre et vous avance de cinquante heaumes. »

« Nous vous en remercions »

Après cette discussion, Althiof et Torhak montèrent se coucher. Ainsi que Kanhögart et ses gardes, chacun dans sa chambre.
Il était tard, mais les deux mercenaires ne dormaient pas : pendant qu'Althiof essuyait sa ceinture, le Hongrois écrivait dans son journal confidentiel. Il tenait cette habitude d'un ami scalde :

Nous avons rencontré des personnes qui nous ont proposé d'aller traquer une créature. Et si nous réussissons à la tuer, nous recevrons, Althiof et moi, cent heaumes. C'est la première fois que nous sommes mandés pour tuer un seul individu. Pourtant je m'inquiète pour ce dernier car nous ne savons encore rien de lui, toutefois je pense qu'il vient de Hell***. Kanhögart, le noble qui nous a engagés m'a dit personnellement que nous partirons demain mais la nuit... Je pense que la créature ne sort qu'à ce moment, je trouve cela plutôt étrange. Est-ce possible que ce soit...

Écrivant ces dernières lettres, Torhak s'endormit sur la table de sa chambre.



Notes :
* Un jarl (qui vient du mot scandinave jarlr) était, à cette époque, un seigneur propriétaire d'une petite terre.
** Dans l'ancienne croyance scandinave, les armes et les objets runiques possédaient des pouvoirs spéciaux, légués par les dieux.
*** Hell correspond aux enfers (ce n'est pas de l'anglais !).