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Contes Spalliens : Chapitre 05 - Engagez-vous, qu'ils disaient !

C'était une distribution du travail qui lui plaisait. Ce n'était pas qu'il soit réellement lâche, mais il n'était vraiment pas fait pour l'armée, et même s'il s'y était finalement montré plus apte qu'il n'y pensait, il restait le plus faible de la patrouille. Bien sûr il était habile et apprenait vite, mais ce sont là les qualités que l'on recherche pour les mages, un vrai guerrier doit aussi être fort et endurant. Le fait que le gouverneur militaire de Knôll le jugeât apte à intégrer une patrouille l'avait surpris ; mais il est vrai qu'il manquait d'hommes.
En tout cas s'il s'acquittait de son devoir en faisait son service de trois ans, il était sûr qu'il ne s'engagerait pas dans l'armée comme Eric ou Charles. Il fallait plus que l'attrait de la faible prime pour ça ; Eric était orphelin de guerre et pour lui la défense de la «mère patrie» passait avant tout, quant à Charles il s'était engagé pour devenir Chevalier, un objectif que Georges jugeait simplement suicidaire, et il n'était pas le seul à penser ainsi.
A vrai dire devenir Chevalier, et même Baron, n'était pas si difficile, et le titre s'accompagnait des honneurs matériels et sociaux que l'on est en droit d'attendre. Mais les Nobles de faible rang, Chevaliers et Barons justement, avaient comme devoir d'être les premiers sur les champs de bataille, toujours debout en première ligne, jusqu'à la mort. Et ces derniers temps, malgré un équipement supérieur et un surplus d'entraînement, celle-ci venait de plus en plus tôt. A la caserne, il avait surpris deux sergents entrain de discuter entre eux et le bruit courait que plus de la moitié des Chevaliers, que le titre soit hérité ou gagné, mourrait avant la retraite, soit 40 ans. C'était même plus élevé que les 10% de pertes de Ris, qui pourtant avait une réputation de charnier permanent.
Ris, parlons en justement. Georges savait qu'il devait y passer, cela était une obligation morale et sociale, et il irait sans qu'on ait à le pousser. Cela ne l'empêchait pas de redouter cette terrible semaine au coeur de l'enfer. A vrai dire l'horreur n'y était pas constante, la semaine de service tenait en fait plus de la roulette russe, il pouvait se passer près d'un mois sans combat, puis, d'un coup, Guerre emportait la quasi-totalité des hommes de garde dans sa danse éternelle.
Enfin, il lui restait quelques semaines avant. Actuellement, il regardait avec intérêt la moisson du blé, qui semblait de très bonne qualité cette année ; et il s'y connaissait, car il était lui-même fils de boulanger. De temps en temps, il regardait quand même ce qui se passait du côté du 'laboratoire', ainsi avait-il baptisé le carré d'herbe sur lequel une grande table avait été amenée, et qui supportait désormais la carcasse la moins abîmée des Ogres. Enfin c'était celle qui était la moins abîmée avant le passage d'Alren et d'Henri. Après avoir, apparemment sans résultat, inspecté le corps au moyen de sorts et analyses magiques, ils avaient entrepris de continuer l'analyse de manière plus basique, et actuellement le cerveau de l'Ogre et sa colonne vertébrale se trouvait à quelques mètres du reste du corps, sur un grand plat métallique, et étaient scrupuleusement disséqués, à coup de bistouri.
Accessoirement, quand le vent le permettait, il captait aussi quelques brides de communication :
«- Donc aucun résidu de magie, aucune aura de maléfice, aucun résidu d'aucune sorte dans le système nerveux. Peut être qu'il n'y a rien !
- Ce peut être une drogue quelconque, un sort de type injonction, un conditionnement magique, un facteur spirituel, ...», le vent avait tourné mais ça ne dérangeait pas vraiment Georges, qui de toute façon n'y comprenait pas grand chose, sinon que, bizarrement, c'était Alren qui croyait vraiment qu'il y avait quelque chose et Henri qui mettait la parole des miliciens en doute. Peut-être savait-il encore autre chose, mais ce n'était pas malin de ne pas donner toutes les infos s'il voulait qu'on l'aide. Le vent retourna sur la position 'écoute' :
«- S'il y a vraiment quelque chose, on ne le trouvera pas comme ça ; je ne suis pas spécialiste en anatomie, surtout celle des Ogres. On ferait mieux d'attendre que les autres reviennent, et l'on rentre avec un autre corps intact pour le donner aux techniciens de la garnison.
- Je préfère quand même finir une dissection sommaire, de toute façon on doit bien attendre que les autres reviennent.
- Si vous voulez, moi je vais me laver et chercher de quoi manger, on a largement sauté le repas. J'espère qu'ils auront trouvé plus de choses que nous.»
Sur ce, Henri alla à la fontaine, puis remit son armure et commença à fouiller dans son sac. Georges le rejoignit car lui non plus n'avait rien mangé ; les villageois, eux, avaient mangé dans les champs, du coup Georges n'y avait pas vraiment pensé jusqu'à la remarque d'Henri. Mais il trouvait l'idée excellente, il devait être 4h passées.

Dvorak

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