banniere

Retour

Ombres : II - Enfants des ombres (partie 4)

Douzième

Amélie était rentrée péniblement dans sa chambre, elle s'était cachée des autres, et avait attendu que toutes les filles s'en aillent pour se laver dans les douches communes. Puis elle s'était endormie, épuisée et ce fut durant tout le restant de la nuit, des cauchemars.
Le lendemain, on se réveilla joyeusement, Amélie exclue, avec un énorme gâteau mal flanqué.
- Joyeux anniversaire ! Joyeux anniversaire ! Joyeux anniversaire Amélie ! Joyeux anniversaire !
Ensuite toutes les filles applaudirent, elles déposèrent le gâteau sur les genoux d'Amélie qui s'efforçait de sourire, elle souffla les bougies, très heureuse malgré tout que les filles pensent à elle.
- Tu as dix sept ans maintenant, s'égosilla Églantine, l'une de ses copines de chambre.
- Merci beaucoup, réussit à dire une petite voix.
Elles l'embrassèrent toutes amicalement.
- Et Florent ? demanda soudainement Amélie.
Le silence gagna rapidement la chambre comme une montée de nausée à travers la gorge.
- Où est- il ? insista Amélie.
- On ne le trouve nulle part. Il est parti ce matin de très bonne heure et depuis, plus de nouvelles, la directrice a pris des mesures, l'orphelinat est encerclé par des « képi », avoua Églantine, mais ne t'en fais pas, on va le retrouver, puis les meurtres ont presque cessé, il ne risque pas vraiment grand chose.
Amélie n'était pas plus rassurée, tout allait de travers, Dorothée avait profité de sa faiblesse, d'une violente contraction pour s'échapper, tout allait mal.
Aujourd'hui, les heures refusaient de défiler, pour Amélie, se fut long, angoissant, et cette aiguille obstinée qui la narguait, tout le cadran de l'horloge semblait se moquer d'elle. On cherchait toujours Florent.
Celui ci, dès la nuit tombée, pointa son nez dans le jardin près de la Chapelle, il était resté perché en haut d'un arbre feuillu, le plus grand de toute l'orphelinat. Il cherchait Dorothée, elle n'était pas bien loin, Florent la trouva derrière l'enceinte de la Chapelle et elle venait d'arracher à main nue, la tête d'une nouvelle victime.
- Dorothée ! Tu... Tu es toi ? lui demanda t-il par prudence et parce qu'il semblait s'en rendre compte.
- Oui. A ton avis, je lui fends le ventre ou je lui arrache les yeux ? répondit -elle sans lever les yeux de sa victime.
Florent se mit face à elle, alors elle daigna lui accorder un regard.
- Alors, qui as tu étranglé ? lui demanda t-elle le sourire aux lèvres.
- Personne. Je ne tuerai plus personne, je suis là pour te dire adieu, je vais te ramener.
- A l'ange, c'est ça ? Il y en a toujours que pour elle, et moi, quand viendra mon tour ?! s'énerva t -elle.
Puis elle attrapa sa hache et l'abattit sur le corps de la jeune victime, le sang se répandit sur Florent et sur l'herbe verte.
- Attrape moi si tu le peux !
Dorothée se mit à cavaler, il la suivit.
Amélie se leva. Qu'est ce qui se passe ? Elle avait envie de vomir. Elle sortit rapidement de sa chambre.
Florent courait toujours, mais derrière une chimère, une lumière aveuglante se posa sur lui, il se protégea les yeux. Évidemment tout ce sang qu'il avait sur lui intriguait et inquiétait. C'est à ce moment que les coups de feux se déclenchèrent, alertant la nouvelle directrice, le prêtre, et les orphelins, Florent était l'acteur principal.
- Bon sang! éructait la nouvelle directrice en voyant la scène.
Florent tomba lourdement sur l'herbe humide, Amélie avait l'impression qu'il s'écroulait au ralentit comme dans un de ces mauvais films d'actions. Elle se mit à hurler, s'élança, le ventre entre les deux mains, elle s'agenouilla près de lui. On observait en silence avec un sentiment de malaise et de regret pour elle.
Amélie le prit dans ses bras, les larmes aux yeux. Il ne respirait plus, pourtant il continuait à tousser, à se vider du peu de sang qui lui restait collé au gosier, ses yeux clignotaient encore pour s'immobiliser d'un coup vers un point fixe.
La directrice réprimandait sévèrement les principaux responsables tandis qu'Amélie sentait cette douleur latente, abominable lui tenailler les boyaux, elle se renversa en arrière sur l'herbe salie par le sang de Florent, elle hurla, en se tordant de douleur. Le prêtre, ainsi que Églantine se précipitaient déjà vers elle.
- Non ! Pas maintenant. Pitié ! supplia Amélie.
Dorothée était secoué par de violents sanglots.


Treizième

Amélie avait accouché dans les pires conditions, elle serrait les jambes si fort qu'on a été obligé de sévir et de lui écarter les jambes en lui donnant des coups aux genoux. On l'attacha parce qu'elle se débattait fort, on la piqua avec un léger calmant pour qu'elle puisse pousser.
- Souvenez vous de moi à votre mort ! hurlait-elle à l'assistance après chaque poussée.
Amélie accoucha d'une petite fille, ce qui ne lui provoqua que des supplices, des larmes, elle accepta après quelques instants de prendre son enfant dans ses bras et de l'aimer.
Amélie sur son lit pensait à retrouver sa soeur pour l'empêcher de faire plus de mal qu'elle n'en avait déjà fait. Elle méditait lorsque le prêtre Bartholomé entra dans sa chambre, il restait près d'elle, refusant de s'asseoir sur une chaise.
- Mon père !
- Je ne le suis plus depuis que l'Eglise m'a excommunié, je fais à présent parti des chasseurs d'ombres, avoua t-il.
Sans plus d'interrogation, sans doute parce qu'elle s'attendait à une réplique de ce genre, Amélie lui demanda plus de précision sur ce qu'il était réellement.
- Les chasseurs d'ombres existent depuis le jour où un homme bienveillant il y a bien longtemps a appris l'existence des « habitants de l'ombre ». Des fantômes, des sorcières, des monstres, des vampires, de grandes puissances et plus nouvellement des mutants, nous chassons pour éviter à la population de vivre dans la peur, et la crainte, leur fragilité psychologique est déjà si importante, ce serait amorcer un véritable cataclysme, une guerre perdue d'avance pour la race humaine, je dois l'avouer.
- C'est ma soeur que vous traquez nouvellement ?
- Oui.
- Croyez vous véritablement que je vais dénoncer ma propre soeur. Vous, chasseurs d'ombres, je ne pense pas que tout ceci soit à votre mesure, nous, « habitants de l'ombre » avons un cursus bien établi pour éviter que notre monde déborde sur le vôtre, car il est laid et stupide.
- Ce qui à priori ne semble pas vraiment fonctionner, ironisa t-il.
- Faites ce que vous voulez mais laissez moi !
Le prêtre soupira et finalement se décida à s'asseoir.
- Nous n'avons trouvé aucune empreinte sur la nouvelle victime, Florent est le seul suspect, le seul accusé, c'est bien lui qui a commis tout ces massacres d'après la police. Son nom est sali, mais je crois que sa mère s'en est déjà occupé, dit-il.
- Vous et moi connaissons la vérité.
- Laquelle ?
- Vous le savez très bien !
- Je sais le pire...
- Qu'est ce qu'il y a de plus abominable que de violer son propre enfant ?! s'emporta Amélie.
- La santé de madame Fredevillier était déjà instable depuis qu'elle a vu le jour. Avant qu'elle n'épouse un docteur, Monsieur Fabrice Fredevillier, son nom de baptême était Cantefabre de Rocher. Elle faisait partie d'une des plus grandes familles adulées par le public. Ils étaient aimés et heureux, mais leur quatrième et dernier enfant était déjà le vilain petit canard. A huit ans déjà, Fabienne Fredevillier battait ses animaux domestiques et elle a même provoqué la mort du lapin apprivoisé de sa soeur en lui insérant un condiment quelconque dans le rectum, ce qui infirma l'animal. Je dois dire que je prenais cela pour une plaisanterie au départ...
Amélie n'était pas choquée, ou en tout cas, si elle l'était, elle le cachait magnifiquement.
- La petite a continué à pratiquer ses fantasmes les plus noirs sur des pauvres animaux, ces parents en avaient peur, ce comportement les horrifiait. On a alors décider de l'envoyer en asile. Le docteur fasciné par les tendances zoophiles et masochistes de sa nouvelle patiente l'épousa...
- Il s'avéra que le médecin était lui même instable, il partagea ses tendances masochistes avec sa femme qui en se défendant d'une séance trop intense l'acheva. A seize ans, elle se retrouva seule et enceinte, et malade aussi, doublement, et le 4 Août 1963, elle accoucha. Sa famille qui ne voulait plus la voir, l'aida financièrement en envoyant une simple enveloppe qui contenait de l'argent et jamais de lettre. Mais Fabienne n'avait plus de soutien moral, c'est un véritable miracle si son fils a pu survivre toutes ces années. Possédée par le souvenir de son mari tant aimé, brimée par le manque d'attention et d'affection, elle s'acharna sur son fils qui décida un jour pour ne plus souffrir de la pousser du haut du cinquième étage, continua Amélie, vous réciter comme un bouquin.
- Vous avez eu accès au dossier ?
- Non, je connaissais déjà cette femme avant que Florent n'ait atteint l'âge de sept ans, lorsqu'il a poussé sa mère du balcon, elle vivait encore, c'est alors qu'elle a levé les yeux, la tête ensanglantée sur cette petite fille en colère, vêtue de noire, une hache à la main. Elle lui a ôté la vie.
- Votre soeur l'a tuée !
- Si nous sommes venues jusqu'ici, ce n'était pas pour le plaisir de marcher de la Hongrie jusqu'en France pour établir un nouveau record, c'était parce qu'il nous avait appelé, nous sommes tombés amoureuses de la détresse de ce petit garçon. C'était peut être le destin qui l'avait choisi pour nous, c'était peut-être aussi quelqu'un que nous avions déjà connu.
Amélie se calma et lâcha une larme.
Le prêtre se leva calmement, il avait dorénavant toutes les informations qui lui étaient nécessaires, le fait d'être ici lui rappelait étrangement la scène d'un film avec un prêtre exorciste qui s'entretenait avec le démon.
Amélie tourna la tête vers lui.
- Il ne faut pas la tuer, sinon, que les insectes me damnent, j'irai vous achever moi même, avertit-elle calmement.
Le prêtre se précipita vers la sortie sans se retourner de peur d'être transformé en colonne de sel.
Amélie devait s'en aller, ce soir même. Elle se leva doucement et posa ses pieds nus sur le sol froid. Elle se dirigea vers la fenêtre et s'intégra au décor sans autre mot. Il y avait ce bruit atroce, un espèce de grattement, qui se faisait de plus en plus proche, l'ombre se plaqua contre les murs et l'ampoule éclata.
*
Le prêtre était complètement furieux lorsqu'on ait trouvé un lit vide. Elle avait aussi emmené son enfant, sans que personne ne puisse s'en apercevoir, les médias avaient eu vent de cette histoire et se précipitaient comme des tiques assoiffées à l'hôpital. La partenaire du prêtre avait quitté l'orphelinat après le meurtre de Florent, maintenant c'était une vieille dame charmante qui la remplaçait. Elle le regardait s'énerver.
- Où peut-elle être maintenant ? gronda t-il.
- Elle est sans aucun doute retournée chez ses ancêtres, chez sa mère.
- Nous devrions peut-être aller en mission là bas.
La jeune femme pourtant calme eut un sursaut et s'emporta.
- J'espère que tu divagues, les chasseurs d'ombres n'ont jamais remit les pieds en Transylvanie, ni même en Hongrie depuis le massacre de la Saint Sylvestre. Plus de soixante dix adeptes éventrés, dévorés, massacrés, torturés. Et sais-tu que les prêtres sont des mets très appréciés là bas.
Le prêtre se calma bien vite à la perspective d'être englouti toutes viscères dehors par une de ces saletés. Il n'insista plus.


Quatorzième

Amélie était effectivement retournée en Transylvanie, dans l'ancien pavillon de sa véritable mère, Jade Rawkassie Anastass, là où elle se réfugiait pour écrire ses poèmes tiraillés. Amélie installa son bébé dans une vieille chaise à bascule, elle venait tout juste de lui donner le sein.
- Ma petite Chloé va faire un petit somme, chuchota t-elle à l'enfant impatiente de fermer les yeux.
- Qu'est ce qu'elle est belle ! s'exclama une voix gutturale qui fit sursauter la petite Chloé et sa mère.
Amélie se retourna pour apercevoir son père, celui que Dorothée avait pourtant achevé.
- Tu ne rêves pas mon ange, je suis bien là, il s'avançait, elle reculait atterré par cette force malsaine qu'il avait toujours eu sur elle : la peur.
Chloé se mit à geindre comprenant sans doute la situation.
- Tu effraies mon enfant, lança Amélie.
- Il n'y a pas qu'elle que je vais terroriser. Je suis ici pour venger la mort de celui qui a eu l'obligeance de vous prendre sous son aile et que ta soeur a tué froidement. As tu déjà vu le visage de la mort ?
Amélie trébucha, elle tomba sur le plancher, paralysée, cet homme était un autre de ces démons.
Le visage de l'immonde se liquéfia, toute sa peau retomba sur le sol, et Amélie contempla un visage nouveau de la bête devenu aussi physiquement une bête. C'était leur véritable nature, pourquoi pas leur véritable visage. Le monstre se précipita sur elle, le chiffre quatre était gravé au creux de son cou. Amélie tendit ses mains, il n'avança plus, paralysé à son tour, mais l'animal lutta pour l'éventrer avec ses cornes, Amélie les attrapa avec ses mains qui devinrent rouges, elle avait peur, cela se propageait doucement dans ses bras. Elle serra les dents, elle essayait de le repousser, mais c'est elle qui reculait.
- Eh ! Le monstre !
Le monstre s'arrêta pour se retourner vers Dorothée qui lui faisait affront, en tenant dans sa main gauche, sa faucheuse, ce n'était plus la hache. Elle lui souriait et ses yeux noirs reluisaient du fond d'un enfer qu'il devrait bientôt connaître.
- Tu es sur ma liste depuis très longtemps, déclara t-elle.
Blessé par le fait d'être menacé par une jeune prétentieuse, il fonça droit sur Dorothée, tel un chien après sa balle.
Sur le plancher près d'Amélie, apparut bientôt un bâton en chêne, entrelacé de lierre, elle le ramassa et poursuivit la gargouille. La collision entre les trois produisit un énorme faisceau de lumière. Il n'y a eu aucun bruit, plus aucun bruit...
Chloé se calma de suite, elle essayait de palper la moindre présence dans la pièce, il régnait dans la pièce un silence mortel, elle feignit de pleurer lorsqu'elle aperçut sa mère au dessus de son berceau, bientôt opaque, elle venait de disparaître sans mot, mais la douleur se lisait dans ses yeux. Et Chloé l'avait senti, elle s'agita dans son berceau, apeurée. Une ombre se pencha alors à son tour sur son berceau avec ce numéro de sang grotesque imprimé au creux de son cou. Chloé brailla très fort pour le faire fuir, mais l'ombre l'enleva de son berceau.


FIN

Kei

Précédent