banniere

Retour

Rouge et Noir : 08 - 24 h...

« - Je me suis réveillé quelques jours plus tard à l'hôpital Rangueil. J'y suis resté un bon moment, le temps que mon corps récupère du choc électrique ainsi que des blessures que j'avais subies. C'est là que j'appris la mort de la femme que j'aimais.
- Tu ne savais pas qu'elle était morte ?, demanda Matt.
- J'avais gardé un espoir. Il était certes mince mais c'était quand même un espoir. »
Noémie s'éclaircit la voix.
« - Je dois avouer que si je ne te voyais pas tel que tu es aujourd'hui, j'aurais énormément de mal à te croire. On n'a jamais vu quelqu'un survivre à un éclair aussi puissant que celui-ci. J'étais encore à l'université quand c'est arrivé et avec des amis de la fac, on avait suivi un prof pour analyser les lieux de l'explosion.
Quand on est arrivés sur les lieux, c'est-à-dire le lendemain, la charge résiduelle de l'éclair était encore bien présente, un de mes camarades a d'ailleurs été électrisé à tel point que la paume de sa main a fondu.
Apparemment, le choc électrique t'a surtout fait don d'un certain pouvoir...
«- Un pouvoir ?, fit Zek en haussant les sourcils. J'appellerais plutôt ça une malédiction, mais bon... le sujet n'est pas là. Commandant, vous aviez parlé d'une conférence? »
L'officier, perdu dans ses pensées, sursauta légèrement.
« - Oui, allons y. »
Il revint vers son bureau et appuya sur trois touches du clavier de son ordinateur.
L'écran géant fixé au mur s'alluma en même temps que la caméra placée maintenant vers le canapé.
L'image de l'écran était partagée en deux. De chaque côté, le téléchargement de la liaison se mettait lentement en place.
Le commissaire ferma les volets roulants et prit une télécommande d'un tiroir de son bureau avant de rejoindre ses subalternes.
Ezeckiel vérifia une nouvelle fois son bracelet, puis prit un fauteuil à l'écart des autres.
« - Pourquoi tu t'éloignes ?, demanda Max
- Disons que je préfère limiter au maximum les risques de flamber une nouvelle fois l'installation du commandant, répondit le jeune homme
- Une nouvelle fois ?... Tu as...
- Il suffit, l'interrompit Dirle, la connexion est établie. »
En effet, sur l'écran, chaque fenêtre présentait une personne.
« - Pour ceux qui ne les connaîtraient pas, à gauche, depuis le Laboratoire Judiciaire le Docteur Nisf et à droite, la directrice adjointe de l'Identité Judiciaire, mademoiselle Mathilde Fner.
- C'est quoi la différence ?, demanda Lætitia d'une petite voix.
- C'est le nom officiel pour ce qu'on appelle aussi la Police Scientifique. Le Laboratoire judiciaire s'occupe de la partie réellement scientifique, récolte les indices, les empreintes, cherche les traces sang, réalise et analyse les autopsies ; alors que l'Identité Judiciaire rassemble toutes les données, telles que les empreintes digitales, les photos ou l'ADN, sur les affaires traitées par nos chers amis les schtroumpfs, répondit Zek.
- Vous les appel... heu... j'ai rien dit, fit Max en croisant le regard du commandant.
- C'est bon, on peut y aller ? » fit ce dernier.
Tout le monde acquiesça.
« - Bon, Docteur, je vous laisse commencer avec les résultats des autopsies des différentes victimes. »
Le docteur Nisf, une jeune femme d'environ la trentaine, blonde aux cheveux courts, posa sur son petit nez une paire de lunettes carrée noire qui faisait ressortir ses yeux verts.
« - Bonjour messieurs, dames. Je vais commencer par l'autopsie et les résultats de l'enquête scientifique des deux dernières victimes pour ensuite faire la comparaison avec les deux premières.
Suite à l'examen préliminaire, on a tout de suite remarqué que la signature des meurtres était identique. Le tueur a commencé par un coup violent à la gorge pour couper la respiration sans tuer les victimes. La suite est une multitude de coups qui suivent un ordre bien précis : de l'abdomen jusqu'à la tête, et cela pour les deux meurtres.
Pendant qu'on examinait les organes internes, on s'est aperçus que la femme avait subi une pénétration forcée avec un objet cylindrique, certainement le même objet qui a servi à tuer les deux victimes. L'objet en question est très certainement une batte de base-ball en métal. Les traces et contusions trouvées sur les corps sont bien spécifiques à cet objet. »
La quasi-totalité des organes internes ainsi que la plupart des os du thorax comme du visage ont été complètement détruits. »
Elle se tut un instant avant de reprendre.
« - L'examen des lieux n'a révélé aucune trace de lutte. Pour chaque victime, les lieux ont été saccagés mais seulement après la mort des victimes. »
Les portes comme les fenêtres ne comportent aucune trace d'effraction, ce qui nous amène à penser que soit les victimes connaissaient leur assassin, soit il était déguisé de manière à ce que la confiance envers lui ne fasse aucun doute.
Pour finir avec ces deux meurtres, le tueur est froid, direct et d'une extraordinaire violence. Il est entré chez l'un et l'autre, a suivi ses futures victimes quelques secondes et sans que personne ne sache pourquoi, les a tuées avec toute la force qu'il a pu y mettre. »
Elle s'arrêta de nouveau et retira ses lunettes. Dans la salle, le commandant était assis sur son bureau fixant l'écran où les deux femmes apparaissaient. Concentré, il analysait tout ce que venait de dire le docteur Nisf.
Sur le canapé, Max et Laetitia regardaient eux aussi l'écran mais ne disaient mot. Noémie et Matt, eux, restaient fixés sur les visages du téléviseur.
« - Si nous comparons les scènes des quatre meurtres, continua Nisf, les modes opératoires sont quasi-identiques, nous pouvons en déduire qu'il s'agit du, ou des, même tueur.
- Et comparé à ceux d'il y a trois ans? » demanda Zek dans son coin.
Mathilde Fner intervint à ce moment.
« - D'après les différents rapports de l'époque, on pourrait affirmer qu'il s'agit soit du même tueur soit d'un très bon imitateur. Là aussi le modus operandi est identique aux meurtres actuels et, d'ailleurs, le fait que les couples visés n'aient aucun lien apparent entre eux renforce la théorie du même meurtrier. Ca aurait pu être un imitateur, mais certaines actions commises pendant les meurtres ne furent jamais révélées. Un imitateur n'aurait donc pas pu intervenir.
- Ce qui voudrait dire qu'Eric n'est pas mort..., grommela Zek les yeux sur ses mains.
- En effet. », lui répondirent les deux médecins.
Max toussa légèrement.
« - Heu... »
Il hésita un court instant et, les yeux dans les lunettes d'Ezeckiel, lança dans un seul souffle
« - Il y a un truc qui me turlupine dans ce que tu nous as dit tout a l'heure.
- Oui ?, fit Zek.
- Quand tu es entré dans l'usine, tu discutais avec Eric, mais vu que tu l'avais en face de toi, qui est-ce qui t'a assommé alors ? »
Le jeune capitaine ouvrit la bouche et la referma immédiatement. Il enleva ses lunettes et se passa la main dans ses cheveux neigeux. Le reste de l'assemblée émit un frisson, visiblement pas habitué à ces nouvelles couleurs.
La salle resta silencieuse devant l'intervention du jeune homme.
Ezeckiel tourna la tête vers le mur vidéo.
« - Mathilde, dites-moi, comment avez-vous reconnu le corps d'Eric quand vous l'avez récupéré ? Je crois me souvenir qu'il était méconnaissable... »
Ce fut le docteur Nisf qui prit la parole.
« - En effet, tout son corps était gravement brûlé, seule une recherche ADN et l'examen de la dentition nous avait permis de l'identifier comme étant Eric Lenhsr, le vrai sonneur de cloche.
- Et vous l'avez trouvé où, vu que le seul indice qu'on avait retrouvé c'était l'ADN de Laurent Cirap ?, rétorqua Zek
- Dans son dossier médical, tout simplement.
- Ah... Et son groupe sanguin est... ?
- A+ mon cher capitaine et c'est d'ailleurs grâce à son sang, donné lors d'un don du sang, que nous avons récupéré son ADN et fait le rapprochement. », répondit le médecin sûre d'elle.
Le jeune capitaine émit un petit rire et secoua légèrement la tête.
« - O+, Eric était O +...
- Mais ce n'est pas possible, j'ai son dossier sous les yeux...
- Il a été falsifié, tout simplement. Il aura suffi à Eric de louer les services d'un pirate, par exemple celui qu'on a retrouvé dans la Laguna et de lui demander de changer les données de son dossier médical. »
Nisf ne sut que répondre.
« - Donc en résumé, intervint le commandant, tout ce que nous pensions savoir n'était qu'écran de fumée. Capitaine, pouvez-vous nous dire ce que vous savez du passé médical de Lenhsr ?
- Il y a trois choses qui pourraient nous aider. Il a eu plusieurs fractures, dont une à la mâchoire, des agrafes dans l'abdomen suite à une opération et surtout, une malformation osseuse sur la main gauche. »
L'image de l'écran s'immobilisa et disparut.
Le commandant haussa un sourcil et tapota sur le clavier.
« - Qu'est ce qu'il se passe encore... »
Soudain, un petit garçon apparut.
Les mains dans les poches, il s'installa au milieu de l'écran.
Il portait un jeans bleu et un tee-shirt blanc. Il resta stoïque un moment puis sortit un pinceau de sa poche.
Il commença alors à repeindre l'écran avec une peinture multicolore.
Le petit bonhomme s'arrêta et regarda l'assistance.
Soudain, il partit en courant et disparut sur le bord droit de l'écran, laissant la place à un homme encagoulé.
« - Bonjour. », fit l'homme.
L'assemblée resta immobile.
Dans le lourd silence, un bourdonnement pulsait aux oreilles de chacun. Ezeckiel restait debout, immobile, les poings serrés à s'en faire pâlir les phalanges.
« - Quel silence mes enfants, fit l'homme en riant. Alors, voyons voir si tout le monde est là. Gérard Dirle, qui grimpe petit à petit les échelons et qui n'aime toujours pas qu'on le contredise. Nous avons ensuite Noémie Francy, le plus jeune médecin légiste depuis bien des années et élue pendant trois ans de suite « Miss Légiste ». Et nous continuons par le jeune couple, Maxime Désians et Laetitia Neken. L'un est un petit génie de l'informatique déjà interpellé par quelques agences gouvernementales françaises et autres et quant à la jeune demoiselle, elle a passé et obtenu son bac littéraire avec mention très bien il y a quelques semaines.
- Mais..., commença la jeune fille
- Allons, ne m'interrompez pas, j'en arrive au meilleur. Je veux bien sûr parler de Matthieu Bréau et de mon cher ami Ezeckiel Sedah. Pour vous deux, pas besoin de présentation, tout le monde vous connaît... »
Le malaise était presque palpable entre les occupants de la salle.
Le capitaine lâcha un gros soupir.
« - Bonjour Eric..., dit-il la voix grave.
- Tu n'as pas l'air dans ton assiette... répondit l'homme derrière l'écran.
- Je vivrais certainement mieux si je te savais vraiment mort !, rétorqua le jeune officier d'un ton sec.
- Allons, si je n'étais pas là, tu t'ennuierais, non ?
- Ne prends pas ton cas pour une généralité Eric. »
Le bourdonnement se fit plus fort
« - Mais c'est vrai que le fait que tu sois encore en vie me réconforte. »
Dans la salle, tout le monde se tourna vers le jeune homme
« - Voilà qui fait chaud au coeur..., répondit Eric. Je t'ai tant manqué que ça ?
- Franchement ? »
Le jeune homme aux cheveux blancs eut un sourire carnassier
« - C'n'était pas la joie quand je suis sorti de l'hosto, je n'avais qu'un regret auquel je vais pouvoir remédier. Je vais enfin pouvoir m'occuper de ton cas personnellement et je vais prendre tout mon temps.
- Oh, mais si je ne m'abuse, c'est une menace...
- Une menace ? Non non, c'est une promesse. Depuis que tu es revenu, je ne pense plus qu'à ça.
- Wouaw, quelle rancune... mais je peux comprendre. »
Le bourdonnement se fit encore plus fort.
Matt et Noémie, prévoyant ce qui risquait de se passer, s'approchèrent du capitaine.
De la fumée s'échappait du bracelet qu'il portait.
Eric laissa échapper un petit rire.
« - Je pensais que tu avais fini par oublier cette petite garce...
- Commissaire, coupez la connexion, fit Matt.
- Mais...
- TOUT DE SUITE ! »
Voyant que l'officier ne bougeait pas, Matt s'approcha de l'ordinateur et enleva d'un coup sec les câbles d'alimentation et de connexion.
Toute l'installation s'éteignit brutalement. Pourtant le bourdonnement ne cessa pas. Matt se retourna et s'approcha lentement de son supérieur.
Zek n'avait pas bougé d'un iota. Les poings toujours fermés, son regard exprimait plus que de la colère.
Autour de son poignet de légers arcs électriques se formaient, émettant de légers claquements.
Max s'approcha du bureau et débrancha le câble d'alimentation. L'image eu un léger tressaillement mais ne disparut pas. Sur l'écran, on voyait Eric sourire de toutes ses dents, une légère étincelle d'amusement dans ses yeux.
« - Ah, fit l'homme, j'ai oublié de vous dire que lors de la prise de contrôle du commissariat par les détenus, j'ai un peu bidouillé les équipements vidéos du service, j'en garde le contrôle total. »
Hormis Ezeckiel, tous eurent un mouvement de recul, ne sachant que faire pour pallier à la situation. Le jeune capitaine ne desserrait pas les dents.
C'est alors que Noémie se tourna vers lui. Elle avança et, d'un seul mouvement, lui envoya un direct au menton.
Le jeune homme n'eut le temps de rien dire. Le poing le percuta juste au niveau de la mâchoire inférieure et il tomba net.
« - Joli coup miss, railla Eric, mais pourriez vous le réveiller s'il vous plaît, j'ai besoin que tout le monde soit conscient. »
Matt s'approcha du jeune homme allongé et le secoua.
Zek remua légèrement la tête puis ouvrit lentement les yeux. Reprenant ses esprits, il s'assit, un mal de crâne carabiné lui vrillant le crâne.
« - Allons mon petit prophète, tu ne vas pas me dire que cette pichenette t'a déboussolé. A moins que tu te sois ramolli depuis ...
- Tu me saoules à force, répondit le capitaine, accouche... !
- Allons, ne sois pas si pressé... Mais puisque tu insistes, j'y viens... »
Dans la salle la tension était presque palpable. Aucun ne voulait laisser paraître son ressentiment, mais l'expression des visages suffisait.
Derrière l'écran, Eric s'éclaircit la voix.
« - Depuis mon retour sur le devant de la scène, je vous prépare une petite surprise. C'est pour éviter qu'un flic lambda vienne tout me casser que je vous ai fait un peu courir avec quelques meurtres et autres petits cadeaux. D'ailleurs, vous trouverez le corps de celui qui m'a aidé pour les quatre meurtres dans une cave d'un immeuble du Mirail. »
Eric se retourna un instant, semblant chercher quelque chose. Il quitta un instant l'écran pour revenir quelques secondes après avec dans les mains sept peluches désignant chacune un animal différent : un singe, une girafe, un éléphant, un chat, un serpent, un chien et une panthère noire.
« - J'ai caché le concubin de chacun de ces animaux quelque part dans la ville et pour leur tenir compagnie, je leur ai fourni un petit gadget de ma confection... »
Il sortit de sous la table une boîte noire cadenassée
Il ôta le cadenas et ouvrit la boîte. Il en sortit un amas de fils de toutes les couleurs avec un gros cadran aux chiffres rouges : 00:00
« - C'est joli non ? »
Un grand sourire amusé apparut sur le visage d'Eric
« - Que je vous explique un petit peu les règles du « jeu ». Pour reconstituer cette mini-arche, vous aurez droit à un indice plus ou moins clair. Bien entendu, il faudra surtout trouver cet indice avant que les joujoux ne deviennent des feux d'artifices... - Le choc électrique t'a vraiment pas arrangé... soupira Zek.
- Au contraire, il m'a fait le plus grand bien, il m'a permis de... de m'ouvrir l'esprit... Mais ce n'est ni le lieu ni le moment. Et voici que je lance le compte à rebours, vous avez 24 h pour reformer l'Arche et désamorcer mes petites créations !! »
Chacune des personnes présentes dans la salle était déconcertée.
« - Une dernière chose mon ami... Es-tu vraiment sûr que c'est moi qui ai tué Emilie...? »
Il appuya alors sur un bouton vert et le décompte commença.

Drizzt

Précédent