banniere

Retour

Les Novices : Livre III - Enfants Damnés (partie VI)

Les Morts saignent


Un


Raphaelle rentrait seule chez elle, il commençait à faire froid dehors, la nuit s'installait aussi rapidement que le vent, quelque chose d'inhabituel se produisait, et c'était si perceptible que les rues se désertaient anormalement.
- C'est toi que l'on nomme Raphaelle ?, demanda quelqu'un.
Elle se retourna et aperçut Damien, Émilie et Bruno.
- C'est Gaël ?, fit-elle en s'approchant du vampire.
- On ne pensait pas que tu serais autant impliquée dans toute cette histoire, tu en sais bien plus que ton ami, le chasseur, fit Émilie.
- D'ailleurs nous sommes ici pour te prévenir, continua Damien.
- Ton ami, semble déraisonner, il va organiser une ?chasse aux goules?.
- C'est une chasse qui a été interdite depuis très longtemps, les chasseurs devenaient cinglés, et même l'Eglise ne les contrôlait plus, s'alarma Raphaelle.
Émilie fut étonné par ses connaissances.
- Saphir a toujours été très bavard avec les demoiselles, dit-elle.
Raphaelle se mit à rougir.
- Tout sera bientôt terminé, toutes les âmes ont trouvé refuge, mais si ton ami s'obstine à tuer tous les habitants des ombres, ce sera en vain, intervint Gaël.
- Je ne sais pas ce qui lui prend, se défendit-elle.
- Il n'y a rien de pire pour un chasseur, que de se faire évincer par un vampire, fit alors remarquer Émilie.
Et Raphaelle comprit.
- L'Eglise n'est pas tellement saine, crois-tu qu'ils aient créé les chasseurs pour vous protéger des habitants des ombres ? Faux, ils nous tiennent à leurs services, les chasseurs sont ici pour nous tenir en laisse, raconta Damien.
- Trouve-le avant que L'ordre rétabli n'échoue.
- Qu'est ce que je pourrais lui dire ?, demanda Raphaelle.
- Au pire, tu pourrais lui mentir, souffla Émilie au loin.
Ils avaient disparu.


Deux


Noun se retrouvait couchée dans un champ de tournesol, elle se releva et s'assit. Kurt fit de même.
- Tu as l'air calme, remarqua-t-il.
- C'est que j'ai décidé de ne plus m'inquiéter.
- Es-tu prête à entendre mon récit ?
Elle hocha de la tête.


Trois


Raphaelle courrait à perdre haleine. Elle était à la recherche de Franck, dans les endroits où il avait l'habitude de roder, à l'affût.
Elle ne le trouvait pas, se désespérait même, avant de tomber sur un vampire qui terminait son dîner.
- Oh ! Merde !
Il lâcha le corps inerte et se tourna vers elle toujours affamé.
- Je suis désolée, fit-elle, tu veux que je te laisse finir ?
- J'ai terminé.
Il s'approcha d'elle, mais s'immobilisa bien vite, il resta longtemps ainsi pour la renifler. Puis il recula. Raphaelle faisait déjà la grimace, l'odeur de ce monstre était rance et écoeurante.
On lui tira dessus, le vampire fut touché à l'épaule. Il s'enfuit.
- Attends !, cria Raphaelle.
Franck s'approcha. Elle avait alors sursauté.
- Alors, c'est vraiment fini, commença t-il, tu te dévergondes avec un vampire, tu es une des leurs.
- Franck ! Franck ! Il ne faut pas que tu commences cette chasse !
- Fous moi la paix ! Je bosse.
Puis il se mit à courir après son gibier.
Raphaelle soupira, elle s'approcha de la victime toujours inerte. Elle se baissa, et mit sa main sur son cou, pour voir les deux petites morsures sanglantes, elle appuya légèrement sur la peau, et le sang remontait à la surface, elle les recueillit sur ses doigts et le porta à sa bouche.
- Ne fais pas ça !
Elle se redressa rapidement. Saphir se tenait face à elle.
- Tu m'as mordue, dit-elle.
- Cela ne justifie pas ta faim, tu n'as subi aucune métamorphose, ne te force pas à apprécier le goût du sang.
- Pourquoi tu n'en bois pas ?
- Je suis mort, je suis un fantôme, je ne peux plus rien boire, répondit-il, je t'ai mordu à la cuisse, je t'ai injecté mon poison, tu ne te feras plus attaquer par aucun habitant des ombres, tu portes mon odeur.
- C'est... C'est très gentil.
Elle n'avait pas vraiment apprécié d'entendre qu'un poison avait été insinué en elle. Mais si c'était pour la protéger...
- Il faut arrêter cette chasse, le Dieu est de sortie avec sa belle.
- Mais il est invincible, tu me l'as dit.
- Je t'ai dit aussi qu'il n'a pas eu son lait maternel, c'est sa novice qui ne l'est pas. Les chasseurs ont des balles en argent pur.
Il lui ainsi avait annoncé que ses camarades de classe n'étaient plus à l'hôpital.


Quatre


Pourquoi tous ces coups de feux ? Carine ne voulait pas lui répondre, elle voulait rentrer et s'abriter, elle avait peur, mais pourquoi ?
- Arrêtons-nous !, cria François.
Elle s'arrêta, elle lui avait lâché la main, et regardait autour d'elle complètement apeurée.
- Que t'arrive-t-il ?
Et comme elle s'obstinait à ne pas lui répondre, il s'énerva.
- Carine !, cria t-il.
Elle sanglotait.
- J'ai peur, je ne suis pas comme toi. Je n'ai pas hérité de ton invincibilité, lui annonça-t-elle.
- Qu'est ce que tu me racontes ?
- La... La comtesse se joue de toi, elle t'a enlevé à ta mère, elle a fait souffrir ton père. Tu n'es pas le premier enfant qui soit né Dieu vampire.
- Dieu vampire ?
- Je vais me faire tuer, souffla-t-elle, tu es le dieu d'une race de monstres sanglants, ils sont craints, ils sont affreux, ils tuent pour leur propre bien, ils ne sont pas amis avec les êtres humains, ce n'est pas un conte de fée Monseigneur. Tu n'as pas été nourri au sein, le lait maternel te fait défaut, tu as une faiblesse, et c'est la folie. Carine reprit son souffle.
- Ta mère est vivante, tu l'as déjà rencontrée, c'est cette fille qui t'avait bousculé la dernière fois, la douleur que tu as ressentie était normale. Ce soir, c'est la chasse aux goules, je ne veux pas mourir François, pas comme ça.
- Alors... Toute ma vie n'est qu'un ramassis de naïveté et de mensonge.
- Allons-nous....
On avait tiré. Carine s'immobilisa, elle avait du sang dans la bouche, elle le recrachait pour pouvoir respirer.
- Carine !
On tirait encore. François attrapa son amie par la taille, il prit son élan pour bondir jusqu'au toit d'un vieil entrepôt.
- Carine !
Elle ferma doucement les yeux.
- Carine, ne fais pas ça, tu es la seule personne qui compte pour moi. Vis pour moi, mon aimée !
Elle ne fit aucun effort. François la serra encore plus fort, pour la sentir encore vivante.
- Si je t'ai choisie, c'est parce que je t'ai aimée, je t'aime encore, je meurs d'amour pour toi. Si je dois me vider de mon sang et de mon âme pour que tu puisses vivre, je le ferai.
Elle se relâcha. François se blessa intérieurement, le sang remonta bien vite jusqu'à sa bouche, il embrassa Carine, il déversa la moitié du liquide vermeil dans son gosier, lorsqu'elle en eut trop, elle le repoussa.
- Il ne fallait pas faire ça, je vais me faire tuer.
- Qui ? Qui ?, demanda-t-il.
- Je commençais à t'aimer. Adieu Monseigneur...
- Carine ?
Elle avait disparu.
- Carine !, souffla-t-il.
François essaya de se contenir, il regardait la ville avec les yeux d'un animal, il voyait tout, il sentait tout, il l'entendait avoir peur, il l'entendait souffrir quelque part.
François, pris de démence, commença à bondir sur les toits.


Cinq


Gwen était entrée dans la salle de bain, elle se sentait affreusement mal, et c'était anormal ce goût dans la bouche. Elle aimait ça, cela faisait longtemps qu'elle n'avait rien senti sur son palais, mais c'était le goût de vomi et de sang.
- Va prendre un bain, lui avait conseillé la comtesse.
Elle savait ce qui lui arrivait.
Gwen n'eut pas le temps d'entrer dans son bain, le bébé prenait déjà vie, il essayait de sortir.
- Guillame !, hurla-t-elle avant de s'effondrer sur le sol froid, Guillame !
Il ouvrit la porte de force, la comtesse le suivait.
- C'est trop tôt Gwen, dit-elle.
- C'est... C'est lui qui veut sortir. Aidez-moi !, hurla Gwen en s'accrochant aux parois de la baignoire.
- Il ne survivra pas, annonça la comtesse, aide-la Guillame!
Gwen avait déjà perdu assez d'enfants, ça ne marchait pas non plus avec Guillame. Frankie aurait réussi, la comtesse bouillonnait de rage, elle se mordit les lèvres si fort, qu'elles saignèrent, elle n'aurait plus d'enfant.
Guillame maintenait Gwen, il avait les mains rouges, elle n'arrêtait pas de glisser, elle voulait attraper cet être mal formé et inerte qui gisait dans un bain de sang.
- Mon bébé, mon enfant, pas encore, pas encore, gémissait Gwen.
Guillame regardait ce corps rabougri et sanglant qui faisait partie de lui et qui ne respirait pas. Il eut un pincement au coeur.


Six


Milicia était à genoux, les maints jointes, elle prononçait quelques incantations. Carine avait arrêté de crier, elle pleurait en silence, tout son corps était paralysé, elle ne pouvait que trembler, trembler parce que son corps redevenait celui d'une simple mortelle. Elle recrachait tout le sang que François lui avait offert, elle devenait maigre, fine.
Milicia se redressa, le sang ne coulait plus. La balle que Carine avait reçue se fit sentir, elle voulait hurler, mais elle ne pouvait plus.
- Adieu, fit Jan.
Plus de tremblement, elle gardait les yeux grands ouverts, paralysés, jamais, elle n'aurait voulu finir comme ça.
- Jamais !, fit François qui s'était introduit dans le repère.
- Mon seigneur, souffla Milicia prête à tomber raide morte.
François se sentait fatigué, il avait peur de se mettre en colère, il avait peur de ne plus rien contrôler.
- Pourquoi m'avoir privé de l'amour de celle que j'aimais ?
- Elle... Elle ne devait pas être votre compagne, répondit Milicia.
- Expliquez moi pourquoi !, hurla François.
- Il ne doit y avoir qu'un Dieu vampire, si vous vous étiez unis avant que l'on intervienne, cela aurait été une catastrophe, elle ne pouvait pas... Ce n'était qu'une novice.
- Vous qui aviez vécu l'intolérance, vous qui la connaissiez mieux que quiconque, vous osez répondre en son nom. Vous me terrifiez.
Le corps de Carine s'éleva pour se poser dans les bras de François.
- Je... Je ne peux pas fermer les yeux. Si la faiblesse des Dieux vampires réside en la folie, c'est à cause de mauvais gens comme vous. Je ne veux pas être votre Dieu, je ne veux rien avoir à faire avec vous.
- Qu'allez vous faire ?, s'empressa Jan.
- Je n'ai plus d'avenir, vous non plus. Ce serait une trop belle bénédiction de mourir sans accord passé avec la douleur, vous devez périr avant ma mort.
Milicia s'attrapa la gorge, ainsi que Jan. François s'en alla, emportant le corps avec lui.
Les Hersonnes recrachaient le sang de la comtesse, ils redevenaient des humains, épuisés par la vieillesse, la faim. Ils retournaient à la poussière très lentement, essayant de respirer, se liquéfiant, ouvrant la bouche pour ne cracher que de la chair. Les murs se détachèrent légèrement, ils se fissuraient, pour s'écrouler littéralement, tout s'effondrait, plus aucune trace des enfants rebelles, plus de trace de Carine. François l'ensevelit tout près, dans le jardin de la résidence de son père, il se laissa aller au mépris, il devenait fou. François hurla, ce ton monocorde et tranchant pouvait avoir des conséquences néfastes pour les mortels.
- Qu'est ce qu'un mortel ? Qu'est que je suis ?, demanda t-il à Cassie qui essayait de le calmer.
- Tu n'es pas un monstre, tu n'es pas un monstre, ne l'oublie jamais, la folie ne doit pas te dominer.
- La folie me rendra peut-être mon âme. La folie pourrait me rendre mon ange noir.
Il avait pleuré et Cassie savait que le coeur de Kurt était là, à l'intérieur de son fils : la faiblesse. Il aimait beaucoup trop s'enfoncer dans une agonie meurtrie, il ne s'accusait pas, pour lui tout était de sa faute, il ne fallait plus qu'il existe.


Sept


Raphaelle avait essayé d'appeler Mimi toute la journée, elle ne s'était pas rendue à l'école, elle ne donnait aucun signe de vie, tout comme Franck. Cette histoire devenait tellement pesante, Raphaelle avait toujours voulu comprendre l'engouement de ses amis pour les habitants de l'ombre, aujourd'hui, elle regrettait d'avoir pris part à tout ça, mais il y avait Saphir, lorsque tout serait fini, il s'en irait, et elle souffrirait peut-être comme Mimi à la mort de Kurt.
- Mimi !, appela-t-elle.
Cette maison n'était pas la sienne, son amie vivait avec des gens qui n'était pas de sa famille, des gens qui voulait l'aider, mais Mimi ne voulait pas que l'on vienne à son secours, elle détestait sa mère pour sa folie, mais maintenant, elle savait peut-être.
- Mimi !
Raphaelle essayait de marcher plus légèrement sur le sol, car celui ci était en bois, et chaque craquement était insupportable. Le bruit soudain d'un verre brisé la fit tressaillir, elle se précipita vers la cuisine. C'était une tache blanche, visqueuse au milieu du mur bleu. Elle avait jeté son pot de yaourt, et Mimi sans lui prêter d'attention se dirigea vers le salon, les larmes aux yeux, elle se détourna de Raphaelle.
- Mimi !
Elle la suivit jusqu'au salon. Mimi se laissa lourdement choir sur le fauteuil et continua ses longs sanglots.
- Kurt t'a tout raconté ?
- Va-t-en s'il te plaît !
Raphaelle s'approcha d'elle.
- Ma mère, cette femme que je croyais complètement coupable a été la correspondante des habitants des ombres, tu te rends compte, c'est en essayant de les aider qu'on l'a enfermée, elle n'a jamais été folle.
Raphaelle sourit.
- Alors, qu'est ce que tu attends pour aller t'excuser auprès d'elle ?
- Ce... Ce que j'attends ? Si Saphir t'avait mieux informée, tu saurais que faire appel à l'ordre rétabli, demande beaucoup d'énergie et de force, ma mère était faible, seule, dans cet hôpital, épuisée par le chagrin et l'âge, elle a utilisé ses dernières forces pour faire appel à cet ordre rétabli, parce qu'elle connaissait Kurt, ils étaient amis, il avait omis de me prévenir lorsqu'il vivait encore, ce connard. Parce qu'elle connaissait l'histoire des victimes de la comtesse, et surtout parce que moi, sa fille l'avait abandonnée. Ce matin, je suis allée à l'hôpital, et ils m'ont dit qu'elle est morte depuis 3 semaines. Trois semaines... sans que je le sache, c'est de leur faute, la faute de ces monstres...
- Mimi !
- Ils m'ont éloignée de ma mère, ils l'ont rendue cinglée et ils essayent maintenant de me rendre dingue aussi...
- Mimi !
- J'ai pas d'enfant, je n'en ai jamais eu, je veux vivre tranquille, je veux qu'on m'oublie, je ne veux pas être l'instrument du diable.
- Mimi ! Maintenant, ferme ta gueule ! Tout ça n'a rien à voir avec Satan, pas plus qu'avec Dieu.
L'intéressée se recroquevilla, elle ferma les yeux.
- Je viens de perdre ma mère, laisse-moi tranquille, s'il te plaît !, chuchota-t-elle.
Raphaelle n'osait plus bouger, elle ne savait même plus si elle devait respirer, il était si grand, mais ressemblait si bien à Kurt qu'elle n'arrivait plus à détacher les yeux de cet être si triste qui s'approchait de Mimi, ses pieds ne touchaient même pas le sol, il flottait dans les airs.
François s'arrêta face à elle, il leva sa main pour la porter à son visage, mais il hésitait sans cesse. Raphaelle ouvrit la bouche, parce qu'elle voulait lui dire qu'il pouvait le faire.
- Laisse-moi tranquille, je ne veux plus souffrir, ils ont tué ma mère..., chuchota Mimi à l'encontre de son amie, elle semblait déjà perdue dans un sommeil proche.
François se ravisa, il reculait, encore plus attristé qu'a son arrivée, il se tourna vers Raphaelle et sa souffrance faisait mal à voir.
Dis lui que je n'ai jamais existé.
Et il s'en alla. Mimi ouvrit les yeux à ce moment là, encore embués de larmes.
- C'était mon fils, c'était mon fils, c'était mon fils....
Raphaelle se précipita vers elle, le mieux qu'elle avait à faire c'était de l'empêcher de devenir folle, tout comme Kurt et tout comme son fils.


Huit


La comtesse avait appriS la mort de Carine par François et aussi celle des Hersonnes, elle s'en moquait complètement, du moment que Carine n'était plus, elle devait retrouver son fils, elle n'avait plus besoin d'essayer d'en créer un autre, Gwen ne supporterait plus une autre fausse couche. La comtesse avait pris son fils dans ses bras.
- Je suis tellement navré pour toi mon enfant, si tu veux, tu peux venir à la chasse avec moi ce soir, avait-elle proposé pour se rapprocher de lui.
François l'avait repoussée sans violence, mais il s'adressa à elle de façon cinglante sans ciller.
- Je sais qui tu es Mme Valérie de Goodelfman, descendante de la famille Rawkassie Anastass, famille maudite et cruelle, toi, tu n'es qu'un bourreau de plus. Comment peut-on priver un enfant de sa mère ?...
- Tu es Dieu vampire...
- Peu importe ce que je suis, j'étais un enfant qui avait une mère, par ta faute, elle me rejette, hurla François.
La comtesse recula, presque abominée par cette vision, elle ne voyait plus que Kurt, il parlait, il la jugeait tout comme Kurt. La comtesse fit un faux pas, elle tomba à terre.
- Tu es mon enfant, c'est moi qui t'ai élevé, s'étouffa-t-elle avant de verser des larmes, ce qui amusa François.
- Je ne savais pas que tu savais pleurer. Toi, mauvaise femme, je ne sais pas qui tu es...
Les joues de la comtesse devinrent rouges, elle avait l'impression de s'engouffrer, il fallait que l'on vienne l'aider.
- N'essaie pas d'appeler Guillame ou Gwen, ils ne sont plus. Vois le soleil se coucher sur la fin de ta vie.
- Je suis éternelle, dit-elle en se redressant un peu.
François réprima un sourire, il alla s'asseoir sur le canapé et attendit. La comtesse ne comprenait vraiment plus rien, il ne faisait rien, il restait assis immobile, en continuant à l'observer.
- Tu ne ressembles donc pas à ton père, il ne m'aurait pas laissée dans l'angoisse, il m'aurait dit ce qu'il projetait de me faire subir, tu es abominable, déclara-t-elle.
- Et c'est pour ça que je ne dis rien, tu pouvais échapper à ton sort lorsqu'il te faisait entrevoir ton châtiment.
- Pourquoi m'avez vous abandonnée mes pairs ? Sauvez-moi mes ombres !, hurla la comtesse en brassant l'air avec ses bras.
Elle s'immobilisa soudain, car elle voyait ce jeune homme se tenir à l'encadrement de la porte, un visage qu'elle ne connaissait pas, c'était un humain.
Il alla s'asseoir près de François sans la quitter des yeux. Puis une jeune fille se présenta, elle fit les mêmes gestes que l'autre avant de le rejoindre, une autre jeune fille, enceinte cette fois, et quatre autres jeunes filles.
- Qui êtes vous ?, demanda-t-elle.
- Regarde mieux !, gronda Bruno qui fit intrusion à son tour, regarde-nous bien !
La comtesse recula.
- Je ne comprends pas.
- Mme Fasso s'est finalement décidée à se venger de vous pour l'avoir faite enfermer dans un asile, elle s'est décidée à nous venger tous, elle et Saphir, éclaira Laure.
- Tout ceci n'est qu'une simple histoire de vengeance Maman, continua François.
Saphir fit irruption, la comtesse sursauta, elle poussa un fabuleux cris.
- Les morts reviennent comtesse, je te l'avais promis, si je n'étais pas mort, cela n'aurait pas été aussi long, dit-il.
Alors, elle comprit, la comtesse ouvrit les yeux pour de bon, elle vit Stlana, Laure, Clémence, Stéphanie, Sombre, la petite Harmony, Gaël, Rob et Kurt se tenir face à elle tels qu'elle les avait connus.
- L'ordre rétabli ?, souffla-t-elle.
La comtesse recula encore. Prise de frissons, elle était terrifiée.
- Nous venons réclamer justice comtesse.
Ils se levèrent du canapé pour s'approcher d'elle, la comtesse recommença à pousser des hurlements.
- Ne faites pas cela ! Je veux être pardonnée !
Elle se tût lorsque toutes ces dents pointues se plantèrent dans son corps, elle ne ressentait aucun plaisir, il n'y avait que la douleur pour elle. Son teint devint violacé, elle vit Stlana, Kurt, Clémence, Stéphanie, Laure, Sombre, Rob et Harmony, Gaël et Saphir flotter au-dessus d'elle, tandis que les autres continuaient à la saigner. La comtesse devint vieille, sèche, fine, cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas ressenti la douleur. François s'approcha d'elle, elle le vit au-dessus d'elle, le visage torturé par la haine. C'était incompréhensible, elle l'avait élevé, elle lui avait tout donné, c'était son fils.
- Tu n'es pas ma mère...
Elle avait fermé les yeux, meurtrie par ses paroles, elle l'aimait, pourquoi ne lui avait-il jamais montré de l'affection ? Elle voulait seulement un enfant à elle. François broya ce qui lui restait de son cou. Il se blessa ensuite à l'intérieur de son corps, ses os se brisèrent et produisirent un son horrible, les flammes l'entourèrent bientôt, les humains reculèrent, ils se laissèrent tomber sur le sol, inconscients.
- Monseigneur ! Ne faites pas cela ! La race n'y survivra pas... Monseigneur !, hurla Saphir.
François ne l'écoutait pas, il avait déjà pris sa décision et périssait par les flammes, Bruno devint noir, complètement rassis, il s'effondra comme un château de sable, il ne restait de lui qu'un tas de poussière.
Il régna ce soir là, un silence désuet, loin de la grande maison des enfants de la comtesse.
Les cris de Laure s'élevèrent plus tard, elle avait mal au ventre. Ils étaient donc sortis de la vieille maison, complètement affolés par l'état d'urgence de la jeune fille qui perdait les eaux.


Neuf


Mimi se réveilla en plein milieu d'un champ de blé, elle se releva très doucement, il n'y avait pas Kurt, ce rêve, elle le faisait sans lui. Elle le détestait.
Mimi sursauta, elle avait sentit ce coup de vent entre ses jambes, c'était un animal, elle le vit détaler dans le champ, s'éloigner d'elle.
- Attends !, hurla-t-elle en le poursuivant, arrête !
Elle le suivit, essoufflée dans sa robe blanche de folle, sa mère portait la même à l'hôpital, elle ne s'en était pas rendue compte, mais lorsqu'elle y prêta attention, Mimi s'arrêta. Elle tira le linge sur elle prise d'angoisse, elle était prête à devenir folle.
- Kurt ! Kurt !, hurla-t-elle.
Elle porta les mains à son visage, elle appuya ses doigts sur ses paupières, elle se mit à hurler tant elle avait mal. Mimi s'arrêta, elle ne savait plus si ce qu'elle voyait ou ressentait était réel. Mais le sang qui lui troublait la vue était bien réel, ainsi que la douleur.
Mimi regarda enfin autour d'elle, elle était si préoccupée à se faire du mal qu'elle n'avait pas remarqué le désert qui l'entourait.
Il y avait devant elle un homme, un bel homme, grand presque immense, mais sans lui donner une apparence monstrueuse, au contraire, il semblait fragile, dans ses yeux, on pouvait lire la même angoisse qui planait dans ceux de Kurt, de François, de Saphir... C'était un vampire, mais il avait l'air d'un mortel, la couleur de sa peau, la chaleur qu'il semblait dégager. Il était là, il la regardait fixement, sans bouger, bientôt Mimi se demanda si ce n'était pas une statue. L'homme avait de longs cheveux bouclés, brillants, une cascade en jais, et ses yeux donnaient l'impression de capturer la couleur du ciel, clair, plus clair que le cristal, il était parfait.
Mimi s'approcha de lui, c'était cette force propre aux vampires, leur beauté, leur tristesse attiraient, et c'était leurs victimes qui en payaient le prix. Certains même s'offraient à eux, leurs donnaient leur vie pour pouvoir sentir cette extase lorsque l'une de ces créatures plantait ses crocs dans la chair tendre, cherchant délicatement l'artère qui les nourrirait, c'était un plaisir de se retrouver dans les bras de ces êtres si beau, d'être aimé par eux.
- Ne t'approche plus !, ordonna Kurt.
Mimi recula bientôt à contre-coeur.
- Ce n'est qu'un rêve, je ne crains rien, dit-elle.
- Il ne faut pas s'y fier, tu as failli te crever les yeux, la douleur a été horrible?
Elle ne dit plus rien.
- C'est la dernière fois que je te vois, annonça t-il.
- Pourquoi ?, s'enquit-elle.
Kurt sourit.
- Je croyais que tu me haïssais.
- Ca ne change pas, mais je...
Il ne la laissa pas finir.
- Je te présente le père de tous les vampires et goules.
Mimi se tourna de nouveau vers l'homme.
- Le tout premier Dieu vampire, conçu par deux humains tout ce qu'il y a de plus ordinaire, continua Kurt.
L'homme restait toujours immobile.
- Pourquoi est ce qu'il ne dit rien ?, demanda Mimi.
- Il est mort, je serai bientôt dans le même état que lui. Tous les vampires périssent sur Terre.
Mimi se tourna vers lui, hébétée.
- Le Dieu vampire... Mon fils s'est tué, il était trop âgé, les autres agonisent, ainsi que ma soeur.
- C'était mon fils...
- La folie, mon coeur, jamais il n'aurait survécu sans le lait maternel.
- C'est écoeurant, sanglota-t-elle.
Mimi regardait à présent l'homme.
- Ma mère a sauvé beaucoup de victimes, la seule coupable c'est moi, je n'ai jamais cru en elle.
- Rassure-toi, elle ne t'a jamais haïe, consola-t-il.
Mimi ferma les yeux.
- Ne te réveille pas encore, ne t'inquiète pas, ton amie Raphaelle veille sur ton sommeil.
- Est-ce que Saphir est mort ?, demanda Noun.
- Il l'a toujours été. Ton amie avait été prévenue. Maintenant écoute-moi, je vais te raconter une histoire. Cet homme, notre père, s'appelle Aarzib, c'était un Hébreu. Très croyant du temps du Christ, il admirait beaucoup ce messie. Lorsqu'ils ont crucifié Jésus, il s'est jeté avec ceux qui croyaient encore en lui, même après son arrestation, au pied du crucifix, et c'est là qu'il a fait cette chose insensée, il a but le sang du messie, il a collé ses lèvres contre son flanc blessé et s'est nourrit de sa douleur. La Vierge et Marie Madeleine l'ont alors surpris et chassé. Mais il était resté malgré tout à genoux, il buvait, buvait encore croyant que l'esprit du Christ trouverait refuge dans son propre corps. On l'avait alors lapidé comme un chien pour cause d'insanité, et même après sa mort, Aarzib n'a cessé de croire au Christ. Lorsque l'on est venu pour enlever son corps de la place public, ils ne trouvèrent personne. Aarzib s'était relevé, changé, plein de force. Il a continué à prêcher jusqu'à ce que le Christ lui-même soit ressuscité. Bien des années plus tard, Aarzib était tombé amoureux d'une Cananéenne, il l'a transformée pour qu'elle puisse vivre éternellement à ses côtés. Ensuite c'est la même histoire qu'Adam et Eve. Maounia a gâté la lignée des vampires par orgueil, et parce qu'elle convoitait d'autres hommes, d'autres puissances, elle a crée d'autres vampires, elle et son mari n'étaient plus seuls. Aarzib voyant tout ce désastre, tous ces vampires foux, tuer sans motif, se suicida. Il laissa sa malédiction, interdisant à sa compagne et sa lignée de vivre sous le ciel clair protecteur. Beaucoup sont morts, mais Aarzib n'était pas né Dieu vampire, c'est pour cela que bien des goules ont survécu et que la légende sur des Dieux vampires s'est formulée.
- Sa femme était morte ?
- Oui, les croyants d'Aarzib l'ont décapitée, puis brûlée. Et, l'Eglise s'en est mêlée, leurs dirigeants voulaient nous dominer afin de se servir de nous pour leur cause, on nous a utilisé pour les croisades, la guerre de cent ans, la première et seconde guerre mondiale,. L'Eglise nous menaçait avec leurs chasseurs puissants, mes ancêtres n'ont pas eu le choix. Le premier Dieu vampire mutant a été engendré par une nonne et un vampire nommé Saphir... Mon Saphir. Son fils n'a pas vécu une année, sa mère refusait de l'approcher, convaincue que c'était le fils du Diable, il n'a pas tenu le choc, et Saphir avait toujours refusé d'avoir d'autres enfants. Pour cela, il avait empoisonné sa propre semence avec du cyprin. Le second a vécu 11 mois, fils d'un vampire violent et d'une petite fille junkie folle, c'est elle qui l'a jeté dans les flammes. Mon premier fils a vécu pendant un an et deux mois, la Comtesse lui a montré des horreurs, ce n'était pas un moine, ni un prêtre.
Kurt s'arrêta aux bords des larmes.
- Mon second enfant a atteint ses trois années, c'était le seul à avoir vécu aussi longtemps et il a vécu heureux avec sa novice. J'aurais voulu être présent mais il n'aurait pas aussi bien vécu, pour le bien de tous, il s'est sacrifié...
- Pourquoi tu t'arrêtes ?, lui demanda Mimi effrayée.
- J'ai terminé, tout est terminé. On ne se verra plus.
- Parle-moi encore Kurt !, hurla t-elle.
- Je t'interdis la folie, vis et ne te préoccupe plus des habitants des ombres parce que je ne suis plus là pour te protéger.
Kurt se figea, il était à présent immobile, tout comme Aarzib.
Mimi s'approcha de la statue, elle se blottit dans ses bras, elle n'avait jamais si bien dormi.


Dix


Frank errait dans les rues, à la recherche d'une autre goule à détruire, il n'y avait rien, plus rien tout d'un coup. Il s'arrêta bientôt épuisé.
- Tu n'en trouveras plus.
Il se leva, l'arme en avant sur ses gardes. Émilie et Damien sortaient de l'ombre.
- Ce que tu peux être pitoyable, tous les chasseurs sont pitoyables, fit Émilie.
- Tous les vampires sont morts, tous sans exception.
- Leur Dieu est mort, et même si les habitants de l'ombre respirent encore, nous ne voulons plus de vous chasseurs.
- Oui, tous les chasseurs dorénavant sont bon pour pointer à l'ANPE, persifla Damien.
- Où se trouve votre protégé ?, demanda Franck sans baisser sa garde.
Damien sourit.
- Nous ne sommes pas des envoyés de Rome, nous haïssons les dirigeants catholiques, nous travaillons pour nous et le vampire qui était avec nous était un cadeau pour Kurt. Sais-tu ce qu'est l'ordre rétabli ?
Franck acquiesça, il venait de comprendre.
- Nos obligations exécutées, nous en venons à nos affaires, fit Émilie.
Franck sentit ses membres se raidir, il lâcha son arme.
- Je ne supporte pas les chasseurs, je n'aime pas toute cette haine gratuite envers les habitants des ombres.
Ses os craquèrent un après l'autre, Franck ne pouvait même pas hurler, ses lèvres s'écrasèrent l'une contre l'autre.
- Kurt était l'être le plus cher de tous les habitants des ombres, l'avoir tué sans croire être puni n'était qu'un simple rêve, s'emporta Émilie.
Le sang se répandit sur le sol, il venait de s'écrouler, maigre, aplati, vidé. Certaines miettes de ses os furent transportées par le sang hors de son corps. Au loin, Raphaelle observait tranquillement la scène, elle s'étonna de ne rien ressentir, puis elle caressa docilement la marque entre ses cuisses. Damien s'empara de la main d'Émilie, elle redevint calme à ce simple contact. Ils s'en allèrent calmement, refermant derrière eux le chapitre des êtres de sang, des monstres de haine, des monstres sensuels...


Fin

Kei

Précédent