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La Roue du Temps (cycle) : 5 Commentaires

* Genre

La Roue du Temps est une épopée de fantasy d'une taille colossale, puisque pas moins de 24 tomes sont prévus : c'est-à-dire 12 volumes aux USA, qui sont divisés en deux en France après traduction, mais font tout de même entre 400 et 800 pages. 10 des 12 tomes sont sortis, le dernier étant arrivé courant janvier. Cette oeuvre est donc bien plus imposante que la plupart des cycles de fantasy, qui est pourtant le genre où ils sont les plus longs. Mais ce n'est pas sa taille qui en fait une oeuvre à part. Tout ici est démesuré. Le nom d'un cycle qui revient souvent lorsque l'on parle de fantasy est Le Seigneur des Anneaux de Tolkien. Mais le seul point sur lequel ces deux cycles sont comparables est leur popularité, qui est loin devant celle des autres oeuvres du genre. Si Jordan et Tolkien sont les deux auteurs de fantasy qui ont le plus de sites qui leur sont consacrés, ce n'est pas pour rien. Mais si Tolkien créa un genre, que des auteurs comme Eddings et Williams ont contribué par leurs talents à donner à ce genre ses lettres de noblesse, Jordan nous offre là une véritable ode à la fantasy, son oeuvre atteignant de nouveaux sommets, pour nous plonger dans un monde cruel et sans pitié, où les éphémères moments de bonheur sont dérobés à la sauvette, entre deux coups durs. Tolkien a écrit un conte qui fait rêver. Mais petit à petit, les écrits des auteurs ont évolué vers un réalisme de plus en plus grand, et la Roue du Temps est la consécration de cette tendance. Voyageurs qui cherchez un monde féerique, passez votre chemin. Ici, s'il y a bien des créatures surnaturelles, il ne fait pas bon de côtoyer la plupart d'entre elles...

* Scénario

Que dire d'un scénario présent dès les premières pages, et qui s'étend sur autant de tomes, sans jamais s'essouffler ? Il n'y a pas de comparaison possible avec une autre oeuvre. C'est palpitant, très varié, bourré de rebondissements surprenants et parfois très douloureux, d'une complexité ahurissante, et complet à tout point de vue, bref, ça fait très mal. Et on en redemande. Car on s'aperçoit que tout se met en place lentement, avec une implacabilité qui fait froid dans le dos. On a l'impression de sentir les fils du Destin se refermer lentement autour du cou des protagonistes, de voir la roue du Temps écraser tout sur son passage.
Dans cette partie qui met en balance la survie du monde, nombreux sont ceux qui jouent leur propre jeu. Même les héros principaux ont leurs plans, qui ne sont pas divulgués au lecteur... C'est comme observer de l'extérieur une partie d'échec modifiée pour accueillir en même temps une trentaine de joueurs de très haut niveau. De temps en temps, l'un d'entre eux est sorti du jeu, mais bientôt deux se lèvent pour le remplacer... Sans compter ceux qui jouent dans l'ombre, et que l'on découvre toujours trop tard. Qui survivra ? Assurément ceux qui joueront le mieux. Les autres sont d'ores et déjà condamnés.
On imagine facilement que la suspicion règne même au sein d'un même camp. En fait elle est omniprésente, et une phrase de Perrin, adressée à Fayle, résume très bien cette situation: "Je ne me fie qu'à toi, à mon marteau et à ma hache." Et pas à ses amis...

* Caractère des personnages

L'une des qualités essentielles de cette oeuvre est la manière dont les personnalités sont mêlées à l'histoire. En effet, tout est parfaitement intégré, et si le nombre de personnages importants est faramineux, aucun n'a été oublié lors de la distribution des caractères. Ce qui fait que l'on n'a pas de mal à se souvenir de qui est qui, car chaque nom nous rappelle immédiatement une personnalité bien définie. On est jamais perdu au milieu de cette richesse foisonnante. Tous les caractères imaginables sont présents, et chacun trouvera un personnage auquel il s'identifie. C'est bien simple, on a l'impression de connaître les personnages, comme si on les côtoyait dans la vie de tous les jours. Ils sont réellement vivants, réellement présents, la plume de Robert Jordan a fait plus que de les inventer : il les a créés.

* Sentiments

Que cette histoire soit très dure n'empêche pas que des sentiments tendres y soient mêlés. C'est juste qu'il serait extrêmement optimiste de s'attendre à un Happy End pour l'un des liens amoureux... Dans cette oeuvre, les sentiments d'amour sont traités avec une légèreté qui contraste avec la dureté des moments subis par les différents protagonistes. Un peu comme des îlots de gaieté, une part de rêve au milieu de la réalité. Les personnages dans ces moments-là donnent réellement l'impression de vivre comme s'ils ne savaient pas de quoi serait fait le lendemain, comme s'ils n'étaient pas sûrs qu'il y ait un lendemain, et oubliaient pour un court moment la réalité du monde extérieur.
Ce qui domine de plus en plus au fil des tomes entre les personnages est le sentiment de suspicion, très fort, même envers leurs proches. Chacun est conscient qu'avec tous les bouleversements vécus, l'autre a profondément changé, qu'il n'est plus vraiment la personne qu'il connaissait. Et cette nouvelle personne ne vous considère peut-être plus comme son ami...
L'auteur passe d'un protagoniste à l'autre, et à chaque fois ses sentiments nous frappent dans toute leur puissance. Car Robert Jordan, qui maîtrise très bien la description des sentiments, nous met tour à tour dans la peau de tous les personnages, et la valse des sentiments qui en résulte à de quoi donner le tournis.

* Background

Les Terres du Milieu sont souvent citées comme exemple d'un monde construit dans ses moindres détails, bien au-delà de ce qu'il était nécessaire de faire pour les besoins de l'histoire. Pourtant, les peuples du Seigneur des Anneaux donnent l'impression de stagner depuis des millénaires. Ce qui n'est pas le cas ici. Le poids de l'évolution des mentalités au fil des âges est sans cesse ressenti. Robert Jordan a créé de toutes pièces un monde au moins aussi fourni que celui de Tolkien, mais qui lui évolue. Ce n'est pas seulement un décor de théâtre, cela est véritablement vivant. Et c'est sans doute le premier à réaliser un travail de cette envergure. L'histoire de ces Terres se sent dans les mentalités des peuples, dans leur manière de vivre...
Il faut expérimenter ce monde pour comprendre à quel point c'est différent de tout ce qui avait déjà été fait.

* Humour

Il est bel et bien présent : qui ne rira pas des déboires amoureux de Rand par exemple ? En fait, il se base essentiellement sur deux choses : sur l'amour et sur le fait que les personnages, venant du fin fond de la campagne, ne sont pas toujours très au courant de la manière de se comporter dans les cités... Il y a aussi, dans les premiers tomes, de fréquentes piques qui sont lancées entre les compagnons, et les duels verbaux qui en résultent sont vraiment drôlatiques.

K.O.Ru

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