TeufelKreiss : Chapitre 03 - Sauer

This pain will never end
These scars will never mend
Pain of Salvation - The Perfect Element, Ashes


J'en ai marre. Mais qu'est ce que je fous là ? Enfin, je n'avais pas le choix. Moi, Sauer, je travaille dans les affaires. Affaires que mes compagnons de fortune appellent louches. Fortune. Voilà tout ce que je recherche. Tous les moyens sont bons. C'est vrai que mes moyens ne sont pas très religieux. Qu'on me traite de voleur, d'arnaqueur, je ne nierai pas, bien que le terme exact de ma profession soit manipulateur. Il faut dire que ma jeunesse n'a pas été facile. Je ne sais si je suis orphelin ou si j'ai été abandonné à ma naissance. Toujours est il que j'ai grandi comme j'ai pu dans la rue. Comme une plante qui essaierait de pousser entre les pavés d'une rue passante. Elle s'accroche, elle se fortifie à chaque coup dur. C'est comme ça que j'ai grandi. J'ai eu la chance d'avoir été pris en main pendant quelques temps par un scribe adepte du Dieu aideur. Le brave homme m'a appris à lire et écrire. Chose rare pour un gosse de la rue. Je lui en serai toujours reconnaissant. Je n'ai rien pu faire quand il est mort, assassiné par des voyous qui en avaient après son argent. Les imbéciles. Les Aideurs sont pauvres par définition, ils donnent tout aux autres. J'étais déjà assez bon en lancer de couteaux à l'époque. Je me suis bien préparé et plusieurs mois plus tard, je l'ai vengé. Je sais qu'il aurait désapprouvé mon geste mais c'était la seule chose à laquelle je pouvais me raccrocher. C'était la première fois que je tuais. Mais pas la dernière. J'ai toujours été impuissant devant la mort de ceux qui me sont chers. Irissia, ma petite fleur du matin, est morte de maladie. Je n'avais pas assez d'argent pour acheter les services d'un de ces guérisseurs imbus de lui-même. Ecoeurant. Tous ces malheurs ont fait de moi ce que je suis. Un manipulateur. Un voleur. Un assassin. Je ne bois jamais d'alcool, je dois toujours être prêt à me défendre. La concurrence est rude dans le milieu. Mes affaires m'ont souvent fait croiser Taleion. Il aurait pu me tuer. Il ne l'a pas fait. Il m'a toujours laissé repartir. Même là, c'est lui qui m'a enrôlé dans sa caravane pour Decetia. C'est vrai que j'étais plutôt dans une mauvaise position : une de mes affaires avait mal tourné, et je risquais ma peau en restant à Ceresor. Je venais de me faire arrêter par la milice pour d'obscures raisons. Il m'a sorti de là, avec juste quelques phrases. « C'est un bon élément. Par les temps qui courent, on a besoin de gens comme lui. Je me porte garant de ses actes. » J'en reviens pas. Il m'a vraiment sauvé la mise. Par contre, j'ai bien été obligé de suivre la caravane et de bosser comme escorteur. Decetia. Une ville, rien autour. Ca ne m'arrangeait pas d'aller là bas. Je n'y ai aucun contact. Il aurait fallu que je reprenne tout depuis le début. Et je n'aurai pas gagné grand-chose à Decetia. Taleion devait aller voir cette diseuse de bonne aventure à Knoss. J'y suis allé avec lui. Être avec Taleion ouvre pas mal de portes, c'est bon pour les affaires. Je lui ai trouvé un guide pour Knoss, comme ça, il ne pouvait pas refuser ma présence au cours du voyage. Le guide c'était Ronhr. Un grand gars bien bâti, très recommandable, et honnête avec ça. Un gars bien comme il faut. Y en a plus beaucoup comme lui. Enfin, un peu plus de jugeote lui ferait pas de mal. Siëna et Hi Xsu, les deux inséparables, qui avaient rejoint l'équipe de protection de la caravane en cours de route, nous ont accompagnés. Plus j'y pense, et plus je me dis qu'il y a trop de rencontres arrangées, comme si tout était planifié à l'avance par une force qui nous échappe. Notre ballade a-t-elle un rapport avec ces Eclipseurs qu'on croise aux détours des chemins ? Je me suis attaché à ces compagnons imposés. La compagnie de Ronhr me donne envie d'honnêteté, c'est pour dire. Je ne voudrais pas qu'il leur arrive quelque chose.