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La Vallée de l'Ombre : Chapitre 5 - Le Voyage des Mercenaires

Il venait de voir une scène horrible, qui, pour la première fois de sa vie réussit quasiment à le faire vomir.

« Par le marteau de Thor ! Qu'est-ce que cela ! » s'écria-t-il.

Des morts couverts de sang étaient empilés les uns sur les autres. Une puanteur insupportable entourait ces cadavres qui avaient curieusement une peau de nature foncée. Mais au fond de la charrette se trouvait un coffre. Après une longue aspiration, Althiof alla le chercher, en retenant son souffle. Lorsqu'il ressortit, il ouvrit le coffre ; dedans, il y avait un livre. Volsung le prit et commença à le feuilleter. L'écriture qu'on y trouvait était inconnue d'Althiof, Torhak et des gardes. Volsung garda le livre avec lui et donna l'ordre de continuer le voyage.

Ils arrivèrent enfin à l'auberge désignée, et une fois devant le bâtiment, ils virent tous les mercenaires, qui les attendaient.

« Ne sommes-nous pas plus nombreux que prévu ? » remarqua Althiof.

« Oui, c'est exact. À la base, nous devions être une vingtaine, mais mon maître a jugé mieux d'utiliser toute l'aide possible. »

« Je vois. »

« Êtes-vous les hommes de Kanhögart ? » demanda Volsung aux autres.

« Oui, nous vous attendions, Volsung. » s'exprima l'un d'eux.

« Rodalson! Mon ami, comment vas-tu ? » dit le capitaine des gardes en marchant vers son ami retrouvé.

« Je vais bien, Volsung, comme tu le vois, content de me revoir ? »

« J'en suis ravi ! Et je suis étonné que tu sois encore en vie depuis notre dernière aventure. Bon, je crois que nous devons nous préparer à partir. Je m'adresse aux mercenaires de Kanhögart, empruntez tous, s'il vous plaît, les trois autres charrettes se trouvant derrière celle-ci. Rodalson, quant à toi, viens dans notre véhicule privé : cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus et je suis sûr que tu as beaucoup de choses à nous raconter. »

Les mercenaires obéirent et Rodalson rejoignit Althiof, Torhak ainsi que les gardes.

« Je serai enchanté de vous connaître, chers mercenaires. » dit Rodalson.

Les attelages partirent juste après que les présentations avaient été faites.

« Que faites-vous dans la vie ? Faites-vous autre chose que d'être un expéditeur ? Avez-vous un métier fixe ? » demanda Althiof.

« Oui, enfin, j'en exerçais un. » répondit Rodalson

« Et que faisiez-vous ? »

« J'étais engagé parmi les gardes personnels de Ragnar, le seigneur qui ne laisse aucun survivant. »

« Ragnar ? Avez-vous pu voir son visage ? »

« Non, hélas. Vous savez, peu de ses soldats ont vraiment l'occasion de l'approcher, si ce ne sont ses généraux. »

« Mais alors, pourquoi accomplissez-vous cette mission ? »

« Parce que Ragnar est mort. »

« Je... je n'arrive pas à le croire... »

« Figurez-vous que si, il est mort d'une maladie du coeur. »

« C'est bien triste. »

« Oui, je suis de votre avis. »

« Et comment était-ce de se battre pour un seigneur si noble ? »

« Je dois dire que je ne m'en souviens plus... C'est étrange... »

« Comment ? Vous ne vous en souvenez plus ? C'est à croire que cela ne procure pas une véritable force. »

« Au contraire, nos pertes lors des combats étaient minimes. Et nous n'avons jamais perdu une bataille. »

« Mais si à présent il est mort, ne serait-ce pas le moment pour son fils de régner à sa place ? »

« Le problème est qu'il n'a pas de descendance. »

« C'est vrai ? Je trouve cela bien triste. »

« Je suis aussi de votre avis. »

Après cette discussion, le silence régna. On entendait le bruit des roues de la charrette tirée par de robustes chevaux. Torhak et Althiof avaient la même pensée, celle de cet attelage abandonné, et surtout ce livre que Volsung gardait. Volsung semblait être curieusement attiré par cette chose. Le Viking voulait leur montrer le livre que le brigand avait laissé tomber, mais il pensa que Volsung allait le lui prendre, donc il décida d'être discret.

« Que comptez-vous faire de ce livre ? » demanda Althiof.

« Je ne sais pas trop, je n'arrive pas à lire les écritures y figurant... »

« Certainement des anciens manuscrits de démonistes. » intervint Rodalson.

« Comment ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ? » questionna Volsung.

« Tu sais... Mon père, Rodal, avait rencontré des démonistes, il en avait même vaincu. Les démonistes existent depuis la nuit des temps, et transmettent leur savoir de génération en génération grâce à des grimoires. Je... »

« Et tu crois que cela en est un, c'est ça ? »

« Oui, c'est ce que je pense, Volsung. »

« Mmh... Soyons sérieux c'est vraiment ce que tu penses ? »

« Oui. »

Après trois heures qui parurent très courtes grâce aux histoires passionnantes de Rodalson, ils entendirent la voix de Torhak d'une façon inopinée :

« Nous sommes arrivés ! »

Une fois arrivés, les mercenaires, ayant tout mis sur eux, marchèrent vers les bateaux qui se trouvaient non loin de là. Le port était tapi dans le brouillard, un faible vent soufflait.
Étant le capitaine mercenaire, Volsung marchait devant les autres, suivi de Althiof, Torhak et Rodalson. Brusquement, celui-ci s'arrêta.

Le port était un peu abandonné, sale et une odeur de chair morte se promenait entre les petites ruelles que formaient les immenses docks.

« Bonjour chers guerriers, qu'est-ce qui vous amène ? » dit un homme qui sortit de l'ombre.

« Nous sommes ici pour prendre un knörr qui appartient à mon maître, nommé Kanhögart. » répondit Volsung.

« Oui, mais j'ai le regret de vous annoncer qu'il est déjà pris. »

« Pris ? Par qui ? »

« Par un couple. »

« Un couple ? Mais nous avons vraiment besoin d'un bateau. »

« Je suis désolé, je vous jure que ce que je dis est la vérité. »

« Grr... Comment vous faire confiance, vous n'êtes qu'un vulgaire surveillant de bateaux. »

« Pour me faire pardonner de mon erreur je vous propose de vous amener à votre destination avec mon knörr personnel. »

« Est-il assez grand pour nous emmener tous ? »

« Oui, bien sûr. Puis-je savoir votre lieu de destination ? »

« Nous allons à la Vallée de l'Ombre. »

« Hein ? Quoi ? Où réside... Où réside Ex-Mortius ? » Il dit ce nom à voix basse.

« Oui, c'est exact. »

« Mais... Euh... »

« Vous êtes obligé d'accepter, une promesse est une promesse. »

« J'accepte alors... » dit-il dans un long soupir, sous-entendant qu'il regrettait déjà sa promesse.

Lorsque le drakkar prit le large, il y avait un petit vent, juste ce qu'il y avait de nécessaire pour faire doucement avancer l'embarcation.

« Contrairement au ciel, le vent nous est favorable. » fit remarquer Torhak en ajustant la voile avec d'autres mercenaires.

Le bateau était très grand et par conséquent, il fallait un nombre considérable de personnes pour le manoeuvrer.
Althiof restait silencieux, pensif. L'eau était de couleur bleue foncée, très foncée en fait, car elle était le reflet du ciel. Le Viking regarda Volsung. Ce mercenaire était en train de feuilleter le livre ramassé dans la charrette abandonnée. Il avait un air orgueilleux, il ressemblait à un félin. Ses cheveux étaient si longs et si épais qu'arrivés vers le cou, ils faisaient penser à une crinière à cause de son casque. Puis Althiof détourna son regard sur la mer. Cette grande étendue d'eau le fascinait. Les vagues qui tapaient sur le drakkar lui rappelaient son enfance. Petit, il avait été bercé par les mêmes vagues.
Cela faisait déjà des heures qu'ils étaient partis quand soudain, un éclair surgit, qui éclaira les nuages. La foudre s'était produite très loin, vers une terre blanche.

« Qu'est-ce que c'est ? » questionna Torhak.

« Une terre lointaine, la Vallée de l'Ombre. » répondit Volsung.

« Vous y êtes déjà allé ? » interrogea Althiof.

« Oui, bien sûr. C'est un endroit au climat très rude, il neige toujours. » répondit-il.

« Et vous en êtes revenu vivant ! »

« J'ai eu cette chance hélas. »

« Et comment est-ce... Perurbadunum ? »

« C'est une immense forteresse. »

Soudain, le navigateur cria :

« Bateau en vue ! »

Althiof et Torhak y coururent : un bateau flottait à côté du leur. C'était un knörr. Rodalson et les gardes de Kanhögart relièrent le navire apparemment abandonné, à leur drakkar, et tous commencèrent à y monter, même le navigateur.

« N'y allez pas ! » cria Althiof, mais les autres ne l'écoutèrent guère.

« On n'a rien à craindre, c'est un bateau abandonné ! » déclara Rodalson avant de foncer en direction du sous-pont.

« Trouves-tu cela dangereux ? » demanda Torhak à Althiof.

« Bien sûr ! Es-tu toi aussi de cet avis ? »

« Oui. »

« Il n'y a rien à craindre, il faut monter voir ce qui s'y trouve. » dit Volsung en montant aussi.

« Et Volsung, avec son expérience, ne se doute de rien ! Ce n'est pas croyable ! » s'écria le Viking.

Le vent soufflait, tapait contre la voile du knörr et produisait un étrange bruit. Althiof et Torhak restaient immobiles, ils scrutaient le bateau abandonné et hésitaient à y aller.

« Regarde le nom du knörr ! » s'écria Torhak.
Althiof obéit et prit un air ahuri : son nom était Jun...

« Comment ? » s'écria Althiof.

« J'en ai aucune idée... peut-être... non, impossible. »

« Peut-être n'est-ce qu'une coïncidence. »

« Probable... Cela ne sert à rien d'attendre bêtement, montons sur le bateau. »

« Oui, allons-y. »

Une fois sur le bateau saugrenu, il remarquèrent que le brouillard s'était promptement épaissi.

« Où allons-nous ? » questionna Torhak.

« Il n'y a plus personne sur le pont, sont-ils tous descendus au sous-pont ? »

« Oui, certainement. »

« Alors, descendons. »

À peine avait-il fini de parler qu'un cri surgit d'en dessous. Ils prirent alors la direction de la porte qui menait au sous-pont et descendirent l'escalier. En dessous du pont, ils ne trouvèrent rien.

« Où sont les autres ? C'est énervant ! » dit Althiof.

« Je p... », une vue le troubla et l'interrompit : un homme était pendu juste à deux mètres d'eux, il avait le ventre ouvert, ses intestins dépassaient et un sang noir ruisselait de partout... C'était Rodalson.

« Par le marteau de Thor ! » s'écria Althiof.

« C'est Rodalson... Horrible ! » dit Torhak, dégoûté.

Ils approchèrent du cadavre et inspectèrent les divers points d'impact.

« Il... On lui a coupé le ventre en deux et sorti les intestins. C'est une manoeuvre... d'une personne présente dans le bateau ! » en conclut Althiof.

« Ex-Mortius ? »

« Non, je ne pense pas. Enfin, tout le monde aurait pu le faire, d'autant plus qu'il y a vraiment beaucoup de pilleurs et pirates vikings dans la région. »

« Donc tu insinues qu'on aurait fait exprès de se cacher dans le bateau, attendant qu'un équipage prenne possession du navire et qu'on aurait profité du moment pour les tuer et prendre leur embarcation ? »

« C'est à peu près ce que je pense. »

« Tu as rai... »

Althiof l'interrompit : « Regarde ! »

À côté, par terre, gisait un autre cadavre, celui du marin.

« Encore un mort... Notre navigateur en plus. »

« Vite, inutile de chercher les autres, retournons au knörr car les pirates qui ont fait cela s'y trouvent peut-être. »

Quand ils furent sur le bateau en question, le silence régnait, accompagné de ce brouillard plus que troublant. Les deux mercenaires regardaient l'eau.

« Il n'y a personne... Ce n'était pas des pirates... Mais quoi donc ? » questionna Althiof.

« Je ne saurais te répondre. »

« Que faire ? »

« Je n'en sais rien... Le navigateur est mort, nous sommes condamnés... »

« Regarde ! Des barques ! »

Au loin se distinguaient de petites embarcations et Althiof vit que Volsung et les autres mercenaires s'y trouvaient.

« Est-ce les autres ? » demanda Torhak.

« Oui... Ils nous ont abandonnés. »

« Mais pourquoi ? Il n'y a pas de danger à rester dans ce knörr-ci. Pourquoi se sont-ils enfuis ? »

« Aucune idée... Mais détachons ce maudit knörr. »

Ils détachèrent la corde qui les reliait au Jun. Le knörr s'éloigna peu à peu du drakkar. Althiof et Torhak regardaient le bateau s'écarter du leur. Il avançait dans le noir, ce noir si pur. Du pur noir sans rien d'autre que du noir. Même l'eau avait cette teinture, ce qui effrayait un peu Torhak. Soudain, un nouveau brouillard s'installa. Bientôt, ils ne virent plus le knörr. Ils détournèrent leur regard vers l'avant de leur embarcation. Ils ne pouvaient pas faire avancer le bateau à eux deux. Le vent emportait le drakkar, mais dans quelle direction ? Peut-être vers les abîmes de la Terre, là où personne n'en est jamais ressorti ou même ce gouffre que nous nommons l'oubli... Le brouillard s'épaississait et la vision des deux guerriers diminuait.

L'Ecorché

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