Animation Une histoire pour Noël : Qui a tué Noël ?

L'enfant était étendu de tout son long, face contre terre...

Dix ans plus tôt, l'enfant naquit de père inconnu. Inconnu parce qu'on ne savait pas lequel ou inconnu parce que la mère savait mais avait décidé de ne rien dire, cela revenait au même. La vie était dure, on ne se posait pas de questions.
L'enfant était un peu chétif et fragile. Il passa les toutes premières années de sa vie entre les quatre murs de bois et d'argile qui constituaient la demeure de la mère. La hutte était très éloignée des autres habitations, que ce soit celles des gens aisés ou celles des petites gens. On murmurait que la mère avait quelque chose à cacher : soit l'enfant était le bâtard d'un homme de bien, soit il était une telle abomination qu'elle n'osait le montrer. Aussi l'enfant jouait seul avec pour uniques amis son imagination et quelques bouts de bois qu'il lançait contre les murs ou avec lesquels il grattait la terre battue de la hutte.
Six années s'écoulèrent. La mère partait le matin et revenait le soir avec quelque nourriture. Elle était toujours silencieuse, alors il ne parlait pas. Un jour de sa sixième année, la mère lui rapporta une pomme en guise de repas. Il fut émerveillé car celle-ci était rouge. Il la regarda longuement et la frotta longtemps. Cette couleur était plaisante et était encore plus belle quand elle était bien brillante. Il la frotta encore et encore et ne se lassait pas de ce rouge. Mais après quelques jours, la pomme perdit de sa fraîcheur et sa peau se flétrit. Alors l'enfant se décida enfin à la manger. Dans ses rêves, il voyait une multitude de pommes toutes plus rouges les unes que les autres.

Un jour de sa neuvième année, la mère ne rentra pas. Il l'attendit le lendemain, le surlendemain. Elle ne venait toujours pas. Il finit par se risquer à sortir de la hutte, tout d'abord pour trouver à manger. Petit à petit, il s'aventurait plus loin et découvrait le reste du monde. Son univers passa de sa hutte à la ville qu'il connaissait par coeur.
Ayant encore en souvenir la pomme rouge de ses six ans, il se mit en quête d'objets de couleur rouge qu'il rangeait précieusement dans un coin de la hutte. Morceaux de briques, cailloux, bouts de verre, tissus, tout était là. Au cours de ses recherches, il observait les gens, comment ils se tenaient, comment ils parlaient. Il aimait beaucoup les entendre rire.
Les rires se turent cependant un jour, les regards se firent méfiants, et l'enfant ne comprenait pas pourquoi. Un mot revenait sans cesse dans leur bouche mais son sens lui était étranger. C'était la guerre.
Beaucoup partirent, laissant derrière eux une partie de leurs biens. C'est ainsi qu'il dégotta une grande couverture rouge qui lui servit de manteau, l'hiver arrivant.
Les premières neiges étaient déjà tombées, les soldats étaient tout près. Mais l'enfant ne s'en souciait guère, cela n'avait pas de sens dans son monde. Il jouait avec la neige et vivotait, le reste ne le concernait pas.
Un soir de décembre, le mois qui l'avait vu naître dix ans plus tôt, l'enfant s'en retournait chez lui. Il avait trouvé des chaussures trop grandes pour lui et s'amusait à laisser de grandes traces dans la neige. La lune pleine éclairait la ville et ses alentours.
Un coup de feu retentit depuis une maison en retrait dans le silence hivernal.
Le soldat passa la tête par une fenêtre et vit que la silhouette qu'il avait visée ne bougeait plus.

L'enfant était étendu de tout son long, face contre terre...
Autour de lui, la mare de sang commençait à figer dans la neige fraîche. Des flocons tombaient par milliers et enveloppaient le corps de l'enfant, drapé si fièrement dans sa couverture rouge.
De loin, on voyait une tache rouge constellée de blanc.