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Animation Une histoire pour Noël

Animation Une histoire pour Noël : Ceux que l'on ne voit pas

Nous sommes quelque part au Pôle Nord, peu de temps avant Noël. On distingue une faible lumière à travers le rideau de flocons qui tombent sans relâche dans la région. C'est un feu. Un petit feu de bois qui profite que le vent n'est pas trop fort. Il y a aussi un homme qui profite du feu pour faire chauffer un peu de nourriture. Il se prépare même un bon chocolat chaud.
Puis l'homme repart et le feu s'éteint. L'homme est emmitouflé dans d'épais vêtements et il porte un énorme sac en bandoulière. On peut l'entendre murmurer : « C'est la dernière fois que j'accepte cette expédition... »
Quelques heures et quelques poses plus tard il arrive (« Enfin ! ») en vue d'une petite maison aux fenêtres de laquelle brille une douce lumière. Une maison simple, sans étage, qui ne semble pas contenir plus de trois pièces. Difficile de croire qu'elle est le siège d'une quelconque agitation... L'homme s'approche de l'unique porte et frappe tranquillement. A peine quelques secondes plus tard, on ouvre. « Entrez je vous prie. » L'homme s'avance dans une petite pièce qui semble servir de vestibule à l'occasion. Trois portes et une torche suspendue à chacune d'elle... Personne à l'intérieur.
« - Il y a quelqu'un ?
- Comment croyez-vous que la porte se soit ouverte ?
- Je n'arrive pas à m'y faire, j'ai toujours dans l'idée que je vais vous voir.
- Vous savez que seuls les enfants peuvent voir les lutins, Monsieur Jason. Ce sont les dernières lettres ?
- Oui. Elles sont toutes là.
- Bien.
- Dites monsieur le lutin...
- Oui ?
- Euh oui... Ce ne serait pas possible que vous vous mettiez un peu au courrier électronique ? Ce serait plus rapide et cela nous éviterait ces longues randonnées dans la neige et le froid.
- Nous en sommes bien conscients, seulement nous n'avons pas d'alimentation électrique ici. Par ailleurs notre magie est déjà monopolisée pour d'autres tâches. Nous n'avons pas les moyens de faire fonctionner un ordinateur pour le moment.
- Je ne savais pas que vous aviez déjà étudié la question...
- Il n'y a pas de mal. Vous savez que nous apprécions toujours vos visites. En parlant de cela d'ailleurs, quand comptez-vous repartir ?
- Après demain. Juste le temps de récupérer pour pouvoir faire le retour sans risque. Il faut presque une journée entière jusqu'à l'aérogare et je préfère ne pas repartir demain matin.
- C'est effectivement plus sage à mon avis. Vous savez que vous pouvez rester plus longtemps, pourvu que vous acceptiez de nous offrir l'aide habituelle. Ce n'est pas cela qui vous pousse à partir au plus vite au moins ?
- Non, ne vous en faites pas. J'ai des choses à faire d'ici Noël. Nous réunissons la famille chez nous pour l'événement et je ne voudrais pas laisser à ma femme tout le travail de préparation.
- Voilà une excellente raison de repartir au plus tôt en effet. Il est vrai qu'il ne reste plus que quatre jours. Bien. Je vais vous montrer votre chambre pour les deux nuits que vous allez passer chez nous.
- Je vous suis. Enfin... je suis votre torche. Vous ne pouvez vraiment pas faire en sorte que je vous voie ?
- Non. C'est impossible. Allons-y."

La torche se soulève de son support sur la porte de gauche. L'homme retire sa capuche, découvrant des cheveux grisonnants, des yeux verts et des sourcils fins, un nez droit, une petite bouche et des oreilles rosies par le froid. La porte s'ouvre et l'homme suit la torche qui s'est déjà avancée dans l'escalier. Les marches descendent en ligne droite depuis la porte. Alfred Jason compte les marches par habitude maintenant et, comme à chaque fois qu'il a emprunté cet escalier, il se perd aux alentours de la soixante-dix-septième. Un nombre qui le perturbe sans qu'il ait jamais vraiment su pourquoi. Il se retrouve ensuite sous terre dans le réseau de galeries qui couvre bien plus que la surface de la maison. Il croise à l'occasion des lutins portants divers accessoires leur servant sans doute à la fabrique de jouets, c'est-à-dire qu'il croise des accessoires se déplaçant apparemment tout seuls. Ils arrivent finalement à sa chambre.
« - Vous voilà arrivé. Le dîner vous sera servi dans une petite demi-heure je pense. Vous connaissez les règles, ne sortez pas de la chambre s'il vous plaît.
- Bien. »

La chambre est toujours la même : un lit simple couvert de draps blancs, une bibliothèque remplie d'ouvrages divers de sorte que chacun puisse en trouver un à son goût et un petit coin salle d'eau pour se laver et se désaltérer si besoin. Un petit panier disposé sur le lit contient des vêtements à la taille d'Alfred. Il sait qu'il doit mettre ceux qu'il a sur lui dedans et qu'il les retrouvera avant de repartir, propres et sentant le chocolat. Ça non plus il n'a jamais pu s'y faire. Quelle idée d'avoir une lessive qui fait sentir le chocolat, mais qui peut savoir comment pense un lutin ?
Alfred va se laver. A sa sortie de la douche un bon ragoût l'attend. Il le mange, range ses affaires dans le panier, le suspend sur le palier au crochet prévu à cet usage et va se coucher. La journée a été rude et celle du lendemain, même dévouée au repos, sera tout de même un peu particulière. Comme à chaque fois...

Lorsque Alfred se réveille le lendemain, aux alentours de 7h, un plateau l'attend pour le petit-déjeuner. Café, tartines beurrées et confiturées, un jus de fruits et une pomme. Il cherche encore une fois à déterminer la nature des fruits utilisés mais il en est toujours incapable, pour la confiture comme pour le jus de fruits. Il passe ensuite se débarbouiller puis il lit tranquillement.
On vient le chercher à 8h30. Là encore il suit une torche (« C'est décidément bien difficile de s'y faire. ») qui le guide dans les méandres du sous-sol. Ils arrivent finalement dans la salle dévouée à la contribution un peu particulière des hommes qui viennent séjourner dans cette demeure. Des lutins l'aident à se préparer dans un vestiaire, ils lui passent divers bracelets aux bras et aux jambes, ainsi qu'un collier aux pierres rouges et blanches. Alfred trouve toujours ces pierres magnifiques. Il a demandé une fois à quoi servent ces bijoux, « c'est pour augmenter votre réceptivité à la magie » lui a-t-on répondu. Il repasse ensuite dans la pièce même, seul. Seul avec un unique lutin. Qu'il ne voit pas bien sûr, mais il sait qu'il est là. De ce qu'il a réussi à en savoir c'est un des plus anciens de ce peuple. Il est considéré comme un sage et un "puissant" magicien. Pas puissant dans le sens où on l'entend en général, c'est-à-dire capable de tout détruire d'un clin d'oeil. Puissant dans le sens où il peut construire les choses les plus complexes et aussi les jouets les plus élaborés. C'est aussi lui qui s'occupe de ce travail particulier.
« - Vous êtes prêt ?
- Autant qu'on peut l'être je crois.
- Je ne vous sens pas stressé en effet, c'est vrai que vous êtes un habitué. Je commence. »
Ces deux mots sont toujours les derniers qu'il entend... Après c'est un voyage complexe, à la fois spatial et temporel, sans image et sans son. Pas plus que d'odeur, de sensation tactile ou gustative d'ailleurs. Juste des impressions, des certitudes. Comme s'il se passait exactement ce qui doit se passer à ce moment-là. Diffus et pourtant bien réel. Il n'a jamais vraiment pu décrire à quiconque cette expérience. Cette expérience particulière de soixante-dix-sept minutes...
On lui a aussi expliqué le pourquoi de ce travail la première fois. Il n'aurait sans doute jamais accepté sinon. Les lutins ne peuvent sortir de la maison, elle seule contient la magie nécessaire à leur vie. Au dehors ils dépérissent rapidement. Il leur faut pourtant des informations sur le monde extérieur. Il faut qu'ils connaissent les dernières nouveautés, les évolutions des attentes des enfants. Pour cela ils ont choisi de puiser dans la mémoire des gens qui passent les voir à certaines occasions. Ils ont ainsi constitué un pool mémoriel leur donnant toutes les informations voulues. Cela a pris du temps. Il leur a fallu constituer tout un réseau de personnes de confiance représentatives des diverses populations. Alfred sait qu'il n'est pas le seul. Il y en a tant d'autres... Le premier est un certain Monsieur Noël. Il a beaucoup aidé au développement de ce système en subissant les premiers essais, beaucoup moins agréables à ce qu'il semblait. En remerciement, ils lui ont offert de travailler en continu avec eux. La magie qui l'a rendu immortel lui permet de sortir de temps en temps, notamment pour la distribution des cadeaux ouvragés par les lutins. Il sort aussi pour s'informer et prendre des vacances. Alfred a demandé plusieurs fois à le rencontrer, ce qui lui a toujours été refusé. Il semble que ce ne soit pas possible...

Alfred émerge en tout début d'après-midi avec un bon appétit. Là encore un plateau l'attend. C'est un nouveau ragoût. Il n'en a jamais mangé de si différents qu'ici. Pas deux fois le même et pourtant... Cela fait maintenant quinze ans qu'il vient porter du courrier un peu avant Noël. Quinze ans déjà... Il se repose après avoir vidé les différents plats. Une petite sieste est alors la bienvenue. Il se réveille un peu plus tard et reprend sa lecture là où il l'avait arrêtée. C'est à trois heure qu'un lutin vient de nouveau le chercher. Pas question de don de mémoire cette fois mais d'une visite des locaux. Une heure de visite à chaque fois, de lieux toujours différents. Il se demande cette fois encore combien il lui faudra encore d'années avant de tout avoir vu. Les voir à l'oeuvre est toujours un enchantement. Plus exactement, voir les objets se construire sans qu'aucune main ne semble les manipuler, c'est tout simplement fabuleux. Cette année encore il est reconduit euphorique dans sa chambre pour le dîner. Il se couche peu après sous l'effet du dernier ragoût, possédant toujours des effets positifs sur le sommeil.

Alfred se réveille une fois de plus aux alentours de 7h. Il se prépare cette fois pour le départ. Ses vêtements l'attendent comme prévu au sortir de la douche. Ils sentent toujours le chocolat. Un panier repas a aussi été disposé dans le panier, ainsi que du petit bois (sans nul doute magique) pour le retour et sa prochaine venue. Il ne pense déjà plus à ce qu'il a enduré pour venir et à sa résolution de ne plus faire ce trajet. Peu importe, cela vaut le coup.
On vient le chercher peu après qu'il ait fini de se préparer. Il suit la torche qui le ramène à la surface. Les revoilà déjà dans le vestibule.
« - Le séjour s'est bien passé ?
- Oui, comme toujours. Vous êtes de loin les meilleurs hôtes que je connaisse.
- Merci. Je vous dis à l'année prochaine.
- Oui, sans faute. »

La porte s'ouvre et Alfred sort. Il repart dans la neige, suivant le chemin qui le ramènera chez lui. Il lui reste encore un peu de l'euphorie de la veille, et voilà qu'il rêve de nouveau au Père Jason...

Dipsy

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