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Boulevard de la Mort

Boulevard de la Mort : 3 Avis

Death ProofS'il est évident que la grande majorité des cinéastes (surtout ceux qui s'adonnent au "cinéma de genre") puisent dans des oeuvres antérieures pour leur propre film, Quentin Tarantino a toujours eu la singularité de s'intéresser non pas à la "classe A" du cinéma mais aux films appartenant à la zone interdite du paysage cinématographique mondial, les séries B voire Z qui s'entassaient sur les étagères du vidéoclub où il travaillait dans sa jeunesse. Voilà pourquoi cette fois il s'amuse à déterrer un sous-genre totalement obscur, celui du film Grindhouse, soit des films d'exploitation tournés dans les années 70 avec des budgets ridicules et pleins de violence, de sexe et d'imperfections techniques.

La démarche en elle-même est sympathique, d'autant plus que le plaisir jubilatoire qu'a Tarantino de faire du cinéma avant tout pour lui-même s'est toujours révélé très communicatif. Toutefois, ici sa démarche montre toutes ses limites car sur ses autres films, Tarantino se reposait quand même sur un bon scénario et surtout sur des dialogues en béton, devenus "cultes" depuis. Ici, il se borne à étirer sur une durée de long métrage une idée sympathique, mais finalement plus digne d'un court métrage (ce qui était d'abord prévu à l'origine d'ailleurs), ce qui fait que non seulement on s'ennuie ferme, un comble pour un film d'exploitation plein de filles et de bagnoles, mais qu'en plus, on a largement l'impression que Tarantino se regarde filmer et fait le malin.

L'histoire nous montre quatre jeunes femmes passer une soirée dans un bar quelconque à boire de la bière et à parler de sexe, et qui finissent par devenir les proies d'un serial-killer anciennement cascadeur qui se sert de sa voiture et d'accidents impressionnants pour tuer ses victimes.
une jolie filleSi ce postulat de base a au moins le mérite d'être original et de remplacer les habituelles armes blanches du slasher par une voiture "à l'épreuve de la mort" (traduction littérale du titre original, "Death Proof"), le scénario se veut trop malin et oublie les règles qui font qu'un film d'horreur fonctionne : le suspense n'arrive qu'au bout de 40 minutes de projection, les scènes de meurtre sont rares et on s'attarde beaucoup sur les personnages sans leur donner finalement de consistance. Au lieu de ça, Tarantino préfère laisser ses personnages divaguer, causer de films des années 70 que l'on préfèrerait regarder à la place de celui-là et fait exprès de mettre des faux raccords ou des jump-cuts maladroits pour "rendre hommage" au cinéma d'exploitation Grindhouse. Mais celui qui fut l'un des grands cinéastes révolutionnaires des années 90 semble avoir oublié qu'au cinéma, sans contenu, l'emballage ne vaut rien. Peut-être serait-il temps pour lui de mettre moins de distance rigolarde et un peu plus d'âme dans ses oeuvres.


Ran

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