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La grande bouffe

La grande bouffe : 3 Avis

Le résumé fait penser à Salo, le film de Pasolini, où des hommes politiques, des notables vont enlever des jeunes et se retirent très loin afin de pouvoir assouvir leurs fantasmes les plus ignobles. Mais La Grande Bouffe est nettement moins violent. C'est un film qui marque, bien entendu. Contrairement aux apparences et aux scandales liés au film, je l'ai trouvé intelligent, bien construit et incroyable, le genre de films qui se fait très rare d'ailleurs. Le discours est mordant et osé, la conclusion est absurde comme certaines scènes du films, mais c'est un huit-clos délicieux qui arrive tout de même à nous écoeurer à force. On y rit comme on y grimace, mais c'est meilleur pour la santé que ce qui s'y passe à l'écran. Critique acerbe, film sur la condition humaine, une façon assez originale de montrer comment chacun d'entre nous finira par mourir seul, dans sa merde et ses tragédies.

Critique acerbe et indémodable sur la société de consommation, ce film est pessimiste à souhait, il n'y a aucune issue de secours. C'est le genre à ne pas montrer aux fins gourmets et aux réfractaires de cinéma dit "trash" ou trop véridiquement insoutenable pour être diffusé. On imagine mal les comédiens d'aujourd'hui relever un défi pareil. Le cinéma d'autrefois était plus casse-gueule et courageux qu'aujourd'hui. Pourtant la censure de maintenant est moins étouffante. C'est accepter de fragiliser sa crédibilité dans un film volontairement indigeste et horrible que de jouer dans un film qui va même jusqu'à la scatologie. C'est d'autant plus drôle que le jeu des acteurs est digne et irréprochable face à certaines scènes réputées pour leur crudité.

Le film fera un grand scandale à Cannes en 1973 tout comme La maman et la putain de Jean Eustache présenté cette même année (à croire que c'était le bon moment pour sortir la provocation du placard). Les détracteurs du film à Cannes ont eu honte, ils ont dénoncé cette fabuleuse association de la bouffe et de la merde du film, sujet tabou car la nourriture est ce qui fait vivre, hors, ici, on mange pour mourir. Je suis toujours soufflée par ce film ! Andréa Ferréol a dû prendre du poids pour le film, et elle me rappelle les dames sur les vieux tableaux d'Art, où la femme est toujours représentée généreuse et en bonne forme afin de devenir une représentation de la mère. Est-ce que cela a traversé l'esprit de ceux qui ont vomi le film ? Ferréol est la mère et la putain qui prépare la nourriture et cajole ces hommes qui vont mourir. Double tabou pour une mise en scène soignée et chaste alors que le film en lui-même ne l'est pas du tout. On y retrouve aussi les thèmes chers à Marco Ferreri comme la mort, la pourriture, l'angoisse, les questions existentielles qui énervent et le corps de la femme comme objet inaccessible voire grossier et abject, la scène où Michel Piccoli balance de la nourriture sur le corps de Ferréol en disant "Le corps de la femme est une vanité" le prouve assez bien.

Ce film est une sorte de farce où l'on peut se complaire, en rire ou en vomir. Je ne le trouve pas vieilli du tout, peut-être que le cinéma d'aujourd'hui n'est pas comparable aux traitements de l'image et aux messages du film de Ferreri, mais c'est toujours autant fascinant.


Note : 18.

Kei

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