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Lolita

Lolita : 3 Avis

Lolita est un film étrange. Le livre était déjà quelque chose de particulier, mais le film l'est plus encore, parce qu'il est monté avec beaucoup d'ellipses et que certains passages nous embrouillent l'esprit. Il y a d'abord la schizophrénie de notre héros Humbert Humbert, qui a le même nom et prénom, dans le film c'est plus qu'évident. Et cette autre bizarrerie que d'accorder au personnage du bouquin, le dénommé Quilty, une place plus présente et importante qu'il n'avait chez Nobokov. Il se passe un jeu entre Quilty et Humbert des plus étonnants, et c'est plus cela qui perturbe que le jeu d'amour et de non-dits entre la petite Lolita et le professeur Humbert. Quilty est un peu pervers et s'amuse à trouver des situations où il pourrait se moquer impunément de Humbert, prouvant sa supériorité sur ce dernier. Humbert est amoureux, il se débat contre son amour irraisonné, pathétique et assez anti-conventionnel pour la ravissante Lolita.

Jeu de dame, d'échec et de touché-coulé entre ces deux hommes qui se voient pour la première fois dans un bal. Quilty est vêtu de noir, il a la classe et s'impose comme un pion gagnant, alors que Humbert est en blanc et tente de se cacher pour épier sa merveilleuse nymphe. Tout au long du film, la tenue et les émotions envahissant Humbert laissent à penser qu'il perd ses repères et qu'il devient schizophrène, d'où ces moments très étranges où il rencontre de nouveau Quilty qui va les poursuivre, lui et Lolita, en se déguisant parfois pour le tromper. Et on me fait judicieusement remarquer que c'est peut-être Humbert qui est Quilty. Je veux dire que Quilty c'est plutôt proche du mot "Guilty" qui veut dire coupable en anglais. Avec son éducation d'Européen raffiné et cultivé, Humbert craque pour le côté désinvolte et léger d'une gamine qui rêve de star et joue les pin-ups sulfureuses. Il y a forcément un moment où il culpabilise, mais il ne peut plus reculer. Son escapade avec Lolita ne peut plus être effacée, il est complètement épris d'elle, tout en se demandant si il n'a pas gâché la vie de la gamine et s'il ne la pas pervertie. Peut-être que Quilty est une sorte de projection du mauvais côté de Humbert. Bien après cette interprétation tombe à l'eau lorsque le dénommé Quilty se fait tuer par Humbert. Mais dans une version du film, cette scène étant coupée, on peut se poser des questions.

Il y a une scène qui m'a marquée, c'est le moment où la vieille Haze joue aux dames avec Humbert Humbert et que Lolita descend les escaliers pour les rejoindre, et sa mère dit au professeur "vous allez me prendre ma dame", l'autre réplique "je l'espère bien" et Lolita arrive. Si ce n'est pas une prédiction...

Bref, Lolita n'est pas le meilleur film de Kubrick mais je l'ai trouvé meilleur que la version d'Adrian Lyne avec Jeremy Irons qui était nettement plus vulgaire et bâclée. Kubrick a qui l'on avait donné un gros scénario (on va dire qu'on s'est débarrassé d'un truc chiant et on a vu l'autre banane qui avait bien bossé sur son film Le Sentier de la gloire qui était tout sauf mauvais et on lui a refilé le pavé). Donc Kubrick avant même de tourner le film a rencontré des problèmes avec ce fameux code de censure (le code Hayes) et a préféré s'exiler en Angleterre pour remanier le scénario loin de la pression "puritaine" des studios. Enfin, je trouve qu'il a réussi un pari, puisqu'à force d'ellipses, de non-dits, de superbes jeux d'acteurs et de jeux de piste, il nous offre un petit bijou culte qui rend hommage à son ami Nabokov.


Note : 16.

Kei

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