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Seul contre tous

Seul contre tous : 3 Avis

Noé savait choquer bien avant Irréversible, et même beaucoup mieux. Sur fond de l'histoire d'un pauvre type ordinaire, un beauf' complètement schizo qui a la haine, qui méprise le monde entier excepté sa fille. Le viol est toujours présent comme dans tous ses travaux, y compris ses courts et moyens métrages. Cette fixation pour l'inceste ou l'horreur de l'innocence arrachée, on la retrouvera dans le moyen métrage de sa compagne Lucile Hadzihalilovic La bouche de Jean Pierre, où une petite fille malchanceuse rencontre l'amant de sa tante, le soir alors qu'elle dort près de la porte.

Le boucher dans Seul contre tous est odieux, raciste et s'emporte tellement dans ses pensées qu'on lui prédit un ulcère immédiat. Le seul moment où il devient calme et presque censé, c'est lorsqu'il rends visite à sa fille dans un hôpital il me semble. Pour bien situer l'histoire il faut avoir vu Carne (même si les deux histoires peuvent être indépendantes), un moyen métrage de Noé, où on voit le boucher qui élève seul sa fille, la lave et l'habille... Même lorsqu'elle devient une femme, et là le malaise s'installe, car le boucher a un moment de mauvaises pensées en voyant les formes de sa fille, qui, entre ses mains, ressemble à un jouet.
Le boucher ira en prison, pour avoir tué sauvagement un type qu'il croyait coupable du dépucelage de sa fille, alors que celle-ci avait juste, pour la première fois, ses règles.

A travers cet homme qui veut se venger de l'existence c'est une critique de la société qui est mise en évidence de façon crue et totalement aseptisée. Le choc se trouve dans les images bien sûr, mais plus dans les mots, dans la voix off du boucher qui déclame sa haine et crache des atrocités quand il le veut : "C'est des types comme Robespierre qui feraient du bien à la France" (Robespierre étant un ferveur utilisateur de la guillotine) ou encore "Vivre est un acte égoïste. Survivre est une loi génétique". Seul Contre Tous contient un concentré des travers de cette société, et le boucher ressemble à ces gens extrémistes, nostalgiques d'un temps, qui sont à bout, et qui vers la fin va se recréer un monde avec la seule femme qu'il n'a jamais aimée, c'est-à-dire sa fille... A qui il décide de faire l'amour pour lui apprendre la vie. La fin est un affrontement avec cette enfant qu'il chérit, il se demande s'il doit la tuer pour lui épargner la misère et la crasse de cette vie là, vivre c'est être égoïste.

Ce qu'il y a de plus drôle dans ce film, c'est l'avertissement du début du film "Vous avez 30 secondes pour abandonner l'idée de voir ce film" qui annonce déjà la couleur, nous prévient que ce que l'on va voir n'est pas commun et peut s'avéré dangereux pour le public. Effectivement, voir l'errance de cet homme antipathique, le vieux beauf' de base qui cogne sur sa femme enceinte en voulant vraiment assassiner le gosse qu'elle porte, va voir des films pornos, provoque des immigrés, râle, avec ce regard froid et implacable, sans jamais sourir, abattre sa fille froidement comme il tue ces animaux dans sa boucherie et qui se vide comme un cochon qu'on saigne, tout cela nous offre une gigantesque claque dans les dents.

Si Noé est un provocateur, il est ce que je vois dans la ligné de Pier Paolo Pasolini, Larry Clark et Cronenberg un artiste démesurément bon, même si Irréversible et son tapage médiatique a joué en sa défaveur.


Note : 16.

Kei

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