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Videodrome

Videodrome : 3 Avis

On aurait dû commencer par ce film avant Ring, car j'ai toujours pensé que Vidéodrome avait un peu influencé le créateur de Sadako.
C'est un film effrayant que j'ai vu très jeune et dont je ne me suis pas vraiment remise. Critique de la télévision ? Avec Cronenberg, c'est toujours un objet qui remplace notre chair : dans Crash, les bribes de métal se fondent sous la peau meurtrie ; dans Existenz, on sera relié par la machine en la branchant sur nous, dans La Mouche, l'homme devient immonde en se faisant piéger par sa création...
Parano avez-vous dit ? Ce qui m'étonne aujourd'hui, c'est le reflet visionnaire de Vidéodrome : avons-nous perdu nos sens à force de croire à la télé et de faire d'elle quelqu'un de notre famille, de ne plus s'en passer ? La distorsion visuelle de l'écran télé dans Vidéodrome, le désir de l'homme de violenter cet objet de désir qui s'exécute et qui le drogue aussi. La télé dans Vidéodrome est un virus vivant. Max a des rapports conflictuels avec l'image, presque sexuels, lorsqu'il embrasse la bouche sur l'écran et qu'il entre dans l'image. Tous les codes et les non-dits du cinéma et de la télévision y passent : le sexe, l'ultra violence, le fait d'acheter plus, montrer plus pour vendre plus. Cronenberg, cinéaste critiqué toujours à tord et à travers parce qu'il ne fait jamais dans la bagatelle et dans l'intellectuel, nous livre ici un film exceptionnel et visionnaire, un James Woods jeune et complètement dépassé. L'hypocrisie de la censure américaine en a pris pour son grade, en classant ce film dans la catégorie pornographique, alors qu'il n'y a pas de scène de pénétration, ni d'autres débordements, mis à part quelques clichés de la perversité des images. Le projet Vidéodrome qui vise au départ des spectateurs qui veulent en voir plus, fascinés par la violence et les snuff movies, va être récupérer pour éliminer les êtres déviants, ceux qui sont friands de ces images, le créateur du projet et enfin Max qui veut captiver son public. Mais voilà, Max va être pris dans le jeu, tant et si bien qu'il devient lui même, petit à petit un objet, il dissimule des objets dans son corps.
Une mise en garde ? Ce délire cinématographique mais immanquablement ingénieux nous met en garde contre nous-mêmes, nos vices cachés, notre envie de voyeurisme morbide, notre mutation vers l'avenir avec plus de machines, plus de vidéos, plus de violence... Est-ce que ce monde est une hallucination collective ? Est-ce que ces images sont objectives? Qu'est-ce qui fait que de plus en plus de films et de séries dévoilent plus de peau, plus de sang, plus d'horreurs gratuites devant l'impassibilité des jeunes et des plus jeunes ? La génération anesthésiée de ces fameuses visions du gain et de la proie facile.
Ce film paraîtra incompréhensible, juste parce qu'il se base sur des hallucinations et les images sombres et horribles dans un scénario lourd de symboles et de critiques et qui se refuse à donner une porte de sortie. Vous regardez la télé ou elle vous regarde ?
Ce genre de délire peut parfois servir d'une bonne base à une réflexion sur le fait que l'homme est atteint d'un mal dont il ne se séparera jamais, une autre moitié de lui complètement aberrante et mauvaise. Pour public averti et pour les fans du grand Cronenberg.


Note : 19,5.

Kei

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