Qu'est-ce que le mal ? C'est une question pertinente en particulier quand on parle du gouvernement du plus grand pays du monde. J'ai entendu beaucoup de choses en 48 heures et des choses extrêmement contradictoires. En premier lieu, si on étudie les quatre années de présidence de M. Bush, nous avons des morts, des morts et des mourants.

Des morts lors de la chute des deux tours du World Trade Center, tout d'abord. Comme tous les Européens, j'en ai frémi d'horreur, même si cette catastrophe ne m'a pas atteint pas directement. J'en remercie égoïstement le ciel d'ailleurs au passage. C'est certainement le pire des chocs que puisse subir un peuple dont la croyance profonde en la suprématie est une preuve d'un aspect profondément naïf. Remarquez bien que nous ne sommes pas mieux et que mes critiques peuvent facilement m'être retournées.

J'évoque ce point parce qu'il est le déclencheur de bien des choses en particulier quand il s'agit de parler des élections des Etats-Unis, vues bien sûr depuis cette petite fenêtre si déformante et parfois tellement débilitante des médias.

Des morts encore disais-je puisque la toute puissante fédération outre-atlantique, bête blessée bien plus profondément que nous, pauvres pragmatiques européens qui ne laissent tomber que quelques larmes sur les morts des trains de Madrid qui sont cette fois tellement près de nous que nous ne comprenons pas encore l'importance de l'enjeu sécuritaire que l'on nous met sous le nez, se relève et doit trouver une cible, un bouc émissaire à son malheur.

Voilà ce que nous oublions, nous, les philosophes abscons de cette vieille Europe, nous réfléchissons trop, nos chimères ont du mal à se transformer en moulins à combattre assis sur une mule dernier cri de la technologie moderne. Que voulez-vous, peut-être que nous avons les oreilles trop proches des pays que nous serions amenés à détruire, et que nous préférons ne pas entendre les râles des mourants pendant que nous dormons. Peut-être avons-nous aussi terriblement peur de notre propre violence et de notre puissance de feu ?

Des mourants, cette fois, puisqu'il semble que les Etats-Unis s'occupent plus des dangers qui existent à l'extérieur de leurs seins que des menaces qui grouillent parmi leurs votants. Criminalité, augmentée par des solutions privatisées qu'il ne faut en aucun cas attirer chez nous, mais aussi mal de vivre, puisque depuis quelques temps, ce sont les élèves qui attaquent leurs écoles plus que les terroristes en robes arabes.

C'est ça le mal ? Pas exactement, il reste le traité sur les mines anti-personnelles, celui de Kyoto sur la protection de l'environnement et l'opposition aux idées libertaires sur l'avortement et le mariage homosexuel.

STOP, si vous voyez réellement le pays au-delà de l'océan de cette façon, vous vous trompez. Tout autant que si vous concevez que M. Bush a lancé cette guerre sans savoir ce qu'il faisait. Est-ce cela, le mal ? La conscience qu'il y aurait forcément des morts ? De savoir que finalement c'était prémédité ? Je ne le pense pas, puisque c'est le principe de l'action réaction. Nous nous trompons de cible, peut-être autant que M. Bush quand il tire sur des irakiens qui, je vous le rappelle histoire que vous ne pleuriez pas sur le sort terrible et funeste des soldats américains morts sur le champ de bataille, défendent leur liberté, une liberté comme celle que nous avons défendu, il y a de cela 65 ans.

J'entends encore les hurlements d'horreur devant les têtes coupées des otages européens, mais n'oublions pas que nous sommes en train de faire exactement ce contre quoi nous nous sommes battu en 39 - 45. Vous pourrez toujours vous écrier que nous ne sommes pas fascistes, que c'est pour leur bien. C'est avant tout autre chose une occupation, illégale de surcroît, dans le but de piller les ressources de l'Irak, dissimulée derrière de fausses raisons touchant à des armes de destruction massive imaginaires.

Est-ce cela, le mal ? Je le crois. M. Bush aurait fait la même chose pour protéger les Etats-Unis, sans arrière-pensée, je n'aurais pas eu de raison de trouver sa réélection aussi désastreuse, puisque après tout, protéger son pays des attaques est une de ses fonctions. Ce qui ne fait pas partie de ses fonctions, c'est d'offrir à ses proches de juteuses solutions pour déposséder un peuple déjà à genoux de ses dernières ressources au nom de preuves fallacieuses d'une dangerosité factice.

Maintenant que nous avons trouvé le mal, qu'est-ce que le bien ? Bush est le président élu du peuple des USA, tout le peuple, y compris ceux qui ne sont pas d'accord avec ses idées. C'est un président énergique, et je n'oserais pas me permettre de le qualifier de benêt comme le font certain de nos médias, puisqu'il ne l'est sûrement pas. Doit-on avoir peur de lui ? Je n'en suis pas certain. M. Kerry aurait-il été plus fréquentable ? Je ne le pense pas non plus. Nous nous sommes permis une chose que nous n'aurions pas dû nous autoriser. Nous avons supposé les Américains incapables de voter et une quantité non négligeable de nos sites Internet européens, comme certains présentateurs de nos émissions de télévision ont affichés des intentions clairement opposées à M. Bush. Imaginez donc que les Américains fasse ce type de chose pour nos prochaines élections... Nous crierions au scandale ! Et nous aurions raison.

Le carton rouge va donc à nous tous qui trouvons que M. Bush n'est pas capable de diriger un pays comme les USA. Les premiers intéressés disent le contraire et il est hors de question de lancer une offensive pour le destituer, car il a, lui, des armes de destruction massive qui sont loin d'être fallacieuses.

Terrible conclusion maintenant, j'espère que nos pensées vont retourner vers les personnes qui en ont réellement besoin, et ce ne sont pas les artères de nos amis outre-atlantique qui sont les plus durement touchées par les assauts des produits « Made in USA ».
Athées, prions qu'on nous épargne, pendant les 4 prochaines années du mal des religieux aussi bien que du mal des multinationales du pétrole. Longue vie au président des USA, soyez donc un peu plus européen, M. Bush, peut-être que vous éviterez de faire couler autant de sang que de pétrole.

Nehwon
Et voilà... Ce mardi 2 novembre, Georges W. Bush a été réélu à la présidence des Etats-Unis. Et c'est peut être un mal pour un bien...

Si l'élection de Bush en 2000 pouvait passer pour une erreur, sa réélection en 2004 ôte tout doute possible, d'autant plus que cette fois, Bush remporte largement le vote populaire, avec près de 3 millions de voix d'avance sur Kerry. Le constat est amer, mais la majorité des Américains le veulent comme président. On prétendra avec assurance que cette réélection est due en partie à la guerre en Irak et au fait que les Etasuniens refusent de changer de président en temps de guerre. Quelque soit la pertinence de cet argument, il convient néanmoins de le pondérer. Car ce mardi 2 novembre 2004, il n'y a pas eu qu'une élection présidentielle. Il y a aussi eu un renouvellement de la Chambre des représentants. Les républicains ont accru leur majorité dans cette assemblée. Il y a aussi eu un renouvellement partiel du Sénat. Les républicains ont là aussi accru leur majorité. Il y a aussi eu un renouvellement de gouverneurs d'états. Les républicains ont conservé le contrôle de la majorité des états. Enfin, il y a eu des dizaines de référendums locaux, dont les plus importants sur la question de l'avortement ou du mariage homosexuel. Et ce sont les idées républicaines qui ont triomphées.

Histoire de noircir le tableau encore un peu plus, il est notable qu'au lendemain de cette élection, l'Amérique se retrouve polarisée en deux camps irréductibles. La campagne électorale a été violente, empreinte de bassesses, où les attaques directes et les critiques l'emportaient sur les projets ou les rêves. Les deux ont passés plus de temps à se cracher dessus qu'à proposer une vision de l'Amérique. La guerre civile, le Nord contre le Sud n'est pas encore terminée car on pouvait discerner deux Amériques opposées dans les discours des deux candidats. Bush est le fervent défenseur d'une Amérique pieuse, conservatrice et libérale, où la loi du plus fort serait la norme, une Amérique isolée (assiégée ?) et sûre de sa force, assumant sans complexes une position dominante impérialiste unilatérale. Kerry était le défenseur d'une Amérique laïque (si ce mot à un sens pour eux), progressiste et sociale, où les faibles ne seraient pas écrasés par les puissants, une Amérique amicale et sage, assumant avec discernement un leadership dans un monde multilatéral, respectant les avis de ses amis et alliés.

Ce mardi 2 novembre, c'est l'Amérique de Bush qui a gagné. Et ça ne semble pas être une bonne nouvelle...

Car désormais, Georges W. Bush est libre de ses actions. Sa réélection le renforce dans sa conviction qu'il a bien agi pour l'Amérique en lui accordant un chèque en blanc pour qu'il continue sa politique. De plus, alors que le Sénat avait été un frein durant les quatre dernières années, car divisé quasi également entre républicains et démocrates, ce frein-là n'est plus. Bush contrôle la présidence, la vice-présidence bien sur, l'intégralité du Congrès ainsi que 29 gouvernements d'état sur 50. Mais le plus grave, c'est que 6 juges sur les 9 de la Cour Suprême sont actuellement républicains et que 3 d'entre eux ont plus de 70 ans et devraient être remplacés par Bush. En 2008, il y aura fort probablement 7 à 8 juges républicains à la Cour Suprême, pour une durée d'au moins quinze ans. A court terme, la situation reste aussi tendue. George W. Bush ne peut pas être réélu en 2008, il n'a donc plus d'échéance électorale, ce qui lui laisse une grande marge de manoeuvre. Peu importe qu'il soit populaire, tant qu'il peut faire passer ses lois et ses décisions. Le bouclier anti-missile sera fort probablement mis en place d'ici deux ans. Les programmes Medicare et Medicaid (la sécurité sociale) verront leurs fonds réduits. Plus grave encore, la Constitution des Etats-Unis pourrait être modifiée pour interdire le mariage homosexuel et priver ces derniers d'une partie de leurs droits civiques. La peine de mort n'est pas prête de disparaître. Certaines décisions de la Cour Suprême défendant des droits constitutionnels (comme l'avortement par exemple) pourraient être renversées et ces droits annulés. Le protocole de Kyoto ne sera pas ratifié par les Etats-Unis et la pollution ne baissera probablement pas. Enfin, les tensions avec l'Iran et la Corée du Nord ne sont pas prêtes d'être réduites.

Le tableau est bien sombre. 51% des « électeurs » américains (59 millions de voix sur une population totale de 288 millions d'habitants) ont choisi de voter Bush. On peut facilement croire que la majorité des Américains partagent les valeurs de ce président. Quand on sait que près d'un Américain sur deux est encore persuadé que c'est Saddam Hussein qui est à l'origine des attentats du 11 septembre, on se demande dans quelle réalité vit une partie du pays. De même, quand plusieurs grands réseaux d'informations (CNN, NBC et surtout Fox News) sont ouvertement pro républicain, on ne peut pas franchement s'étonner qu'une partie des Américains soit totalement ignorante des réalités mondiales (1). Avec ce vote, les Etats-Unis se sont définitivement repliés sur eux-mêmes pour au moins quatre longues années.

Ce mardi 2 novembre, l'Amérique a choisi le mensonge et le repli sur soi. Et paradoxalement, c'est possiblement une bonne nouvelle pour le reste du monde...

Premièrement, l'élection de Bush a été gagnée car le camp républicain est très uni idéologiquement parlant et très mobilisateur en ce qui concerne le vote. On peut dire que Bush a su mobiliser sa base conservatrice de droite. Les 59 millions d'Américains qui ont voté pour Bush représentent à peu près l'ensemble de tous les électeurs républicains. A contrario, le camp démocrate n'est pas aussi uni et mobilisateur. Les 55 millions d'Américains qui ont voté pour Kerry ne représentent qu'une partie de l'ensemble des électeurs démocrates. Le taux de participation ayant été de 55% environ, cela signifie que 45% des Américains n'ont pas pris part à cette élection. Et qu'il est fort probable que ces 45% soit plus proches des idéaux de Kerry que ceux de Bush. A mon avis, les idées progressistes restent dominantes dans la population du pays. Il ne manque qu'une information moins propagandiste et une plus forte mobilisation électorale pour assurer un gouvernement démocrate.

Deuxièmement, les Etats-Unis ont déjà connu une période comme celle actuellement vécue. Il s'agit du début des années 1950, en plein début de la guerre froide. Le parti républicain dominait et le maccarthysme battait son plein. Et pourtant le pays a basculé dans le camp démocrate au début des années 1960 sous Kennedy. L'espoir demeure pour une nouvelle bascule en 2008, même si il sera difficile de contrer la vague de fond moralisatrice qui parcourt le pays depuis l'avènement de Reagan dans les années 1980.

Troisièmement, le deuxième mandat de Bush reste une inconnue. Le fait d'être libéré des échéances électorales peut avoir un côté positif. Bush n'a plus à flatter sa base conservatrice et pourrait avoir envie d'agir en rassembleur pour laisser la marque d'un grand président dans l'histoire. Mais cela m'étonnerait. Ce mandat sera probablement plus conservateur que le premier, ce qui (j'espère) ouvrira les yeux d'une partie des Etats-Unis. Dans quatre ans, les républicains, même solidement arrimés au pouvoir, pourraient avoir à rendre des comptes à une nation américaine enfin éveillée. S'il y a bien une chose que les Américains détestent, c'est le mensonge. Et dans ces quatre prochaines années, ils devraient rapidement se rendre compte que George W .Bush leur a menti. Et ils le sanctionneront, je veux le croire. Cette période de quatre ans sera probablement une période durant laquelle les Etats-Unis prendront conscience des méfaits des mensonges et des manipulations des républicains...

Le 2 novembre, George W. Bush a été réélu à la présidence des Etats-Unis. Réjouissons-nous finalement, car je veux croire qu'il s'agit de la première étape pour l'élection de Hillary Clinton en 2008. Une femme à la présidence des Etats-Unis, c'est un rêve qu'on voudrait voir devenir réalité. Gardons espoir, l'Amérique est toujours pleine de surprises.

Le « rêve américain » n'est pas mort ce 2 novembre, il est juste mis en sommeil pour quelques temps.

(1) A ce sujet, je me souviens l'année dernière d'une amie américaine qui était venue passer quelques mois à l'Université de Montréal. Elle ne comprenait pas qu'on puisse être anti-Bush et contre la guerre en Irak. Après un mois à lire les journaux canadiens et à s'informer auprès d'autres sources que les médias US, elle avait complètement changé d'opinion, se désolant de voir que nombres d'informations étaient censurées aux Etats-Unis. Lorsqu'elle en discutait avec ses parents, ils étaient persuadés que leur fille était tombée dans un nid de communistes subversifs et la pressaient de revenir rapidement chez eux. C'est à partir de ce moment là que j'ai commencé à me pencher sur le rôle des réseaux d'informations « objectifs » dans la manipulation des opinions publiques...

Droopy